Le RHOBERIS aux côtés des maïeuticiens d’Etat

Un travail de pionnier au Burkina Faso : Réduction des inégalités genre dans les métiers

De Ouedraogo Ousmane et Bargo Seydou

Le Reseau Burkinabé des Hommes Engagés pour la Réduction des inégalités Sociales (RHOBERIS) travaille depuis plusieurs années au Burkina Faso pour la promotion du genre en suscitant l’émergence d’un mouvement d’hommes et de garçons « transformés » en faveur du genre, engagés et actifs sur les thématiques de la vie sociale. Selon le RHOBERIS, les maïeuticiens de par le travail qu’ils font auprès de leurs paires hommes (conjoints de leurs patientes) contribuent fortement à une meilleure compréhension de leur rôle et un engagement pendant les périodes pré et post natales.

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Un travail de pionnier au Burkina Faso : Réduction des inégalités genre dans les métiers
Sensibilisation. Photo: Rhoberis

Au Burkina Faso, le Maïeuticien ou la Sage Femme peut se définir comme un agent technique de santé qui, recruté à partir du niveau de la classe de terminale de l'enseignement secondaire général ou technique (niveau BAC) qui a suivi avec succès un programme de formation de 3 années dans le domaine de la gynécologie et de l'obstétrique. Les aptitudes à l'issue de la formation lui confèrent trois domaines d'intervention qui sont : la clinique (prise en charge des cas), la prévention et la promotion de la santé et la fonction d'encadrement.

Le sujet de la sexualité notamment des femmes étant tabou dans nos sociétés, avec de nombreux préjugés, le métier était uniquement exercé par la gente féminine (sages-femmes). Sous le régime du Président Thomas Sankara on a assisté à une évolution avec l’arrivée des premiers maïeuticiens en 1985. Le régime a ainsi encouragé l’engagement des hommes pour renforcer les femmes et couvrir le maximum de populations surtout en milieu rural. Jusqu’à aujourd’hui leur proportion stagne autour de 10%, et la répartition des ressources humaines reste déséquilibrée au profit des centres urbains.

En 2017 l’Association pour la promotion des sages-femmes et maïeuticiens du Burkina Faso (APSAM/BF) a été créé et regroupe actuellement plus de 200 professionnels de santé qui travaillent à offrir des soins de qualité et pour le bien-être des populations. L’action de l’association s’inscrit dans les réponses nationales. Le métier prend en compte également les nouvelles orientations sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes et pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD).


Maïeuticien, un homme sage-femme par vocation

Ousmane OUEDRAOGO, membre de RHOBERIS, fait partie de ces hommes qui ont pu vaincre ces préjugés sociaux pour devenir maïeuticien. Après sa formation, il a exercé au sein de structures sanitaires d’abord en milieu rural puis en milieu urbain. Mais avant de devenir maïeuticien, il a travaillé comme agent de recouvrement, un métier qui selon lui, lui permettait de gagner sa vie. C’est donc par vocation qu’Ousmane a intégré le corps des maïeuticiens afin de servir les couches les plus faibles (femmes, filles, enfants) dans un pays où le système de santé demeure toujours fragile. Dans ce métier, les tâches varient selon le poste et le temps, et vont de la salle d’accouchement en passant par les consultations Prénatales (CPN recentrée), la Planification Familiale (PF) et la consultation curative avec des références/évacuations pour les cas nécessitants plus de compétence ou de plateau technique.

Maïeuticien​ masculine au travail. Photo: Rhoberis<br>
Maïeuticien​ masculine au travail. Photo: Rhoberis

En poste depuis environ 10 ans, Ousmane exerce actuellement au centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) du secteur n° 21 (ex 27) de la ville de Ouagadougou. Ce CSPS couvre deux secteurs de la ville avec une population cible de 94086 habitants, et une population de femmes enceintes de 3764. Les statistiques montrent que les femmes fréquentent très régulièrement le centre pour des consultations prénatales et seulement quelques rares femmes sont parfois accompagnées par leurs conjoints lors de l’accouchement. Outre cela, en consultation surtout à l’étape de l’examen, nombre de clientes sont dubitatives quant à se faire examiner par un agent de sexe masculin, certaines allant mêmes jusqu’à refuser de se faire examiner (en l’occurrence certaines clientes d’une congrégation religieuse). Face à de pareilles situations, Ousmane focalise les conseils sur les relations d’aide, le serment qu’il a fait et conclut le plus souvent en disant : « Je ne suis pas un homme, je suis un agent de santé à votre service pour vous offrir des soins de qualité et je suis tenu au secret absolu. ».


Ousmane tente de sensibiliser les hommes aux droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive

En plus de ces cas, il y a aussi ceux où les époux refusent que leurs femmes soient prises en charge par un agent de sexe masculin. Dans ce cas aussi, Ousmane se voit parfois de faire un travail de sensibilisation auprès des hommes, pour amener à comprendre le bienfondé de son métier et son importance pour la santé des femmes. Selon lui, dans presque toutes les communautés au Burkina Faso qui sont à régime patriarcal, le rôle de l’homme est prépondérant dans la prise de décision de façon globale et l’est davantage dans la santé sexuelle et reproductive. L’homme étant généralement, à l’exception de certaines familles, la référence dans la prise de décision lors d’une consultation. C’est lui ‘’le chef de famille’’ et c’est encore lui qui détient le cordon de la bourse de la famille. Malheureusement avec cette grande parcelle de pouvoir que confère la société aux hommes, ces derniers ne jouent pas pleinement leur rôle dans la promotion des droits SSR des femmes et des filles.

C’est ce qui explique selon lui le premier retard observé très souvent chez certaines femmes dans le suivi de la grossesse, qui est le retard à la consultation. Pour y remédier, Ousmane pense qu’il est plus qu’urgent de trouver des cadres d’échange entre agents de santé-époux-épouses pour renforcer l’information, la concertation sur la santé sexuelle et reproductive, son importance et le rôle des différents acteurs. Le maïeuticien y peut jouer un rôle de médiation.

« Je ne suis pas un homme, je suis un agent de santé à votre service pour vous offrir des soins de qualité et je suis tenu au secret absolu. ».


La lutte pour être accepté en tant que maïeuticien

Ousmane trouve son métier noble mais difficile. Il est admiré par sa famille nucléaire qui, parfois ne manque pas de lui reprocher ses absences pour raisons professionnelles. Pour lui, le défi majeur dans cette profession est d’arriver à faire comprendre à la communauté, qu’un maïeuticien est un agent de santé prêt à offrir à toute cliente des soins de qualité sans arrière-pensée et sans compromission.

Ce qui semble bien fonctionner dans ce métier selon Ousmane, c’est qu’une fois la confiance établie auprès des clientes, elle l’est pour très longtemps et cela donne un ‘’boom au cœur ‘’ et procure une satisfaction intérieure. Selon Ousmane, nonobstant les préjugés et croyances négatives auxquelles sont confrontés les maïeuticiens dans l’exercice de leur métier, ils partagent les autres difficultés avec les sages-femmes et ces difficultés communes sont d’ordre infrastructurel, de sous équipement, de manque de mise à niveau ou de formation /recyclage. Cette profession, jadis exercée que par les femmes, on comprend aisément la difficulté et le temps que prennent les communautés pour comprendre et accepter l’arrivée des maïeuticiens qui pourtant ne viennent que pour renforcer le nombre de prestataires et offrir plus de soins de qualité en SSR aux femmes et aux filles.


Et pour offrir selon lui, des soins SSR de qualité aux populations, notamment aux femmes et filles, le maïeuticien se doit d’avoir des compétences professionnelles, d’être non seulement respectueux et accueillant vis-à-vis des patients, mais aussi respectueux des normes et protocoles en vigueur du ministère de la santé.
Sensibilisation. Photo: Rhoberis<br>
Sensibilisation. Photo: Rhoberis

Pour réduire ces préjugés et croyances négatives, selon Ousmane, il est nécessaire de faire un travail de communication, de partage de connaissances au niveau professionnel, communautaire et avec l’engagement des décideurs.

Son désir le plus ardent est de progresser sur le plan professionnel dans ce métier, pour la prise en charge des patientes et l’encadrement de la jeune génération qui fait ses premiers pas dans le métier. Le centre d’Ousmane reçoit d’ailleurs en son sein des élèves maïeuticiens en position de stage pratique clinique et Ousmane en profite pour leur donner de précieux conseils en mettant l’accent sur la fidélité à la vocation, la priorité pour le renforcement des connaissances et compétences, le respect de la déontologie, l’empathie et l’amour du métier. En donnant ces conseils aux jeunes, Ousmane est convaincu qu’un bon maïeuticien, c’est celui-là qui sait ce qu’il doit faire, qui sait comment bien le faire et reconnait ses limites professionnelles. Le reste de ses qualités est encadré par la déontologie de la profession. Et pour offrir selon lui, des soins SSR de qualité aux populations, notamment aux femmes et filles, le maïeuticien se doit d’avoir des compétences professionnelles, d’être non seulement respectueux et accueillant vis-à-vis des patients, mais aussi respectueux des normes et protocoles en vigueur du ministère de la santé.

La profession est certes dure, mais passionnante et c’est qui me retient.


Le RHOBERIS a pour vision est de travailler à l’émergence d’une société burkinabé de justice et d’équité pour toutes les filles, les femmes et tous les garçons et hommes. La réalisation de cette vision nécessite selon le R.HO.B.E.R.I.S une réflexion profonde sur lesdispositions et les pratiques de genre qui assurent la perpétuation du patriarcat et la domination des hommes sur les femmes, et un engagement fort de ces hommes à transformer ces dispositions et pratiques pour les rendre beaucoup plus équilibrées au sein de la société. Son objectif est de promouvoir à travers l’engagement et la contribution des hommes/garçons, un développement participatif et équitable pour toute la société burkinabé à travers l’émergence d’un mouvement d’hommes et de garçons « transformés », engagés au Burkina Faso et actifs sur les thématiques de la vie sociale, économique et politique. Sa devise est : Humainement différents, socialement égaux.

Siège sociale : Commune Rurale de Loumbila – Région du Plateau Central - Burkina Faso- Tél : +226 70 28 22 26 /70 44 30 79 – email: infos@rhoberis.org

Ouedraogo Ousmane
Ouedraogo Ousmane, Maïeuticien d’Etat, CSPS secteur 21, Ouagadougou, tél : +226 76 88 19 83

Bargo Seydou, chargé de suivi évaluation du RHOBERIS, Tél : 226 70 53 37 68. Email