De Roberto Agosta
Vivre avec un handicap physique ne devrait pas empêcher une personne de mener une vie active et productive, pleine de rêves et accomplissements personnels. L'étape la plus importante pour que cela se concrétise est de faire enfin disparaître la stigmatisation sociale dont souffrent de nombreuses personnes handicapées dans le monde. Il s'agit de l'un des objectifs de SwissLimbs, une organisation non gouvernementale basée en Suisse italienne active dans la réhabilitation des personnes amputées dans le Sud du monde.
Dans le Pays du Sud du monde vit la plupart de personnes atteintes d’un handicap physique ou mental : environ 15 % de la population mondiale, soit près d'un milliard de personnes, vivent avec un handicap, en constituant la plus grande minorité du monde. Parmi eux, 80 % vivent dans les pays en développement (WHO 2020). Les personnes qui peuvent donc déjà se trouver dans une situation difficile en raison de problèmes structurels dans leur environnement de vie sont également confrontées à une aggravation de cette situation en raison de leur handicap. Une personne handicapée pourrait donc se retrouver – à cause de sa condition physique – dans une situation de subordination qui ne lui facilitera certainement pas la vie. Dans des zones où il est déjà normalement difficile de trouver un emploi ou un revenu pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, une personne handicapée aura encore plus de difficultés à atteindre cet objectif.
Hormis les difficultés causées par son handicap, une personne handicapée devra également se confronter à une stigmatisation sociale, qui la hantera tout au long de sa vie. Dans le monde entier, les stéréotypes, les préjugés et la stigmatisation contribuent à la discrimination et à l'exclusion dont sont victimes les personnes handicapées et leurs familles dans tous les aspects de leur vie (Rohwerder 2018). La vie de personnes atteintes d’handicap – au Sud du monde comme ailleurs – n’est ni évidente ni facile.
Cependant, les choses changent lentement dans la façon dont le monde perçoit le handicap. Dans la coopération au développement, par exemple, la question de l'inclusion des personnes handicapées est devenue un facteur important et incontournable. Il suffit de consulter la déclaration introductive de l’Agenda 2030 pour le développement durable de l’ONU pour constater que le concept de "Leave no one behind" a été assimilé et que l'inclusion de toutes et tous est devenue une priorité. Et en effet, la réalisation de ses 17 objectifs de développement durable exige également que les Pays ne laissent personne de côté dans le développement mondial : les personnes handicapées et leur inclusion sont mentionnées (explicitement ou comme faisant partie des personnes particulièrement vulnérables) dans 8 objectifs sur 17 (WHO 2015) !
En 2015, l'OMS a d'ailleurs publié le "Global disability action plan 2014-2021: a better health for people with disability" (CBM ), dans lequel elle reconnaît que le handicap est une question de santé publique mondiale, liée aux droits de l'homme et une priorité de développement. Ce plan propose des actions visant à garantir l'accès des personnes handicapées aux services de santé, y compris la réhabilitation et l'utilisation des dispositifs d'assistance, à améliorer la collecte, l'analyse et le suivi des données relatives au handicap et à promouvoir la connaissance, la sensibilisation sociale et la compréhension du handicap.
Au niveau théorique, l'inclusion est devenue une parmi les priorités de la coopération au développement et, au niveau pratique, de nombreuses organisations agissent en conséquence. Tel est le cas de SwissLimbs, une organisation non gouvernementale de Suisse italienne active dans la réhabilitation des personnes handicapées dans le Sud du monde. Elle se concentre sur la réhabilitation ortho-prothétique des personnes ayant subi une amputation, sur la formation des spécialistes orthopédiques aux dernières technologies à faible coût et sur la construction de centres orthopédiques là où ils sont le plus nécessaires. L'inclusion des personnes amputées qui ont bénéficié des projets de SwissLimbs est également une priorité de l'organisation. Dans de nombreux projets de SwissLimbs, sont employées des personnes handicapées ayant préalablement subi une réhabilitation ortho-prothétique par l'organisation.
"Ce plan propose des actions visant à garantir l'accès des personnes handicapées aux services de santé, y compris la réhabilitation et l'utilisation des dispositifs d'assistance, à améliorer la collecte, l'analyse et le suivi des données relatives au handicap et à promouvoir la connaissance, la sensibilisation sociale et la compréhension du handicap."
C'est le cas d'Asia, une jeune fille de 20 ans qui vit à Mwanza, en Tanzanie. Il y a deux ans, alors qu'elle avait 18 ans, Asia - enceinte de deux mois - suite à une hémorragie, s'est rendue à l'hôpital de Mwanza, où elle a contracté une infection due à de mauvaises conditions d'hygiène. Les médecins ont donc dû amputer ses deux jambes sous le genou et neuf doigts de ses main. De retour chez elle, après avoir également perdu l'enfant qu'elle portait, elle pensait que sa vie était terminée.
Mais ensuite, elle est entrée en contact avec le Centre orthopédique de Mwanza, le Mwanza Prosthetics & Orthotics Workshop (MPOW) réhabilité par SwissLimbs en 2018, qui lui a redonné espoir : aujourd'hui, Asia marche à nouveau mais, surtout, elle sourit. Elle sourit non seulement parce qu'elle peut à nouveau marcher, grâce à ses prothèses, mais aussi parce qu'au MPOW, elle a trouvé un emploi et sa mission.
Au départ, Asia rendait régulièrement visite aux MPOW pour encourager
les autres amputés et leur donner la force de continuer, tandis que
maintenant elle a été employée en tant que motivateur, inspiratrice et
porte-parole. Elle est aussi en train de développer différentes
compétences, notamment en matière de casting, de vidéographie et de
photographie et de gestion d’entreprise. Un projet similaire, mais tout
aussi efficace, commence à être planifié par SwissLimbs en Sierra Leone,
où elle vise à soutenir la construction d'un centre orthopédique dans
lequel seront employés principalement les amputés qui ont pu bénéficier
de la première mission de formation de SwissLimbs en mai 2021.
Vivre avec un handicap n'est pas simple et dans le Sud, cela peut être encore plus complexe. Néanmoins, de nombreux pas ont été faits dans la bonne direction, et beaucoup d'autres suivront, afin que la petite lumière de l'espoir éclate en mille feux.