De Luana Corelli et Pauline Wilhelm
Accéder à l’éducation est une véritable épreuve pour la majorité des filles handicapées à cause de leur double statut de fille et d’enfant handicapé. Handicap International met ainsi en œuvre des mesures pour leur donner accès à une éducation inclusive de qualité.
Le manque d’accès à l’éducation est la réalité de millions d’enfants handicapés. Il est pourtant aggravé lorsque plusieurs facteurs de discrimination entrent en compte. Les études le montrent, les femmes handicapées ont trois fois plus de risque d’être analphabètes que les hommes sans handicap (UNDESA, 2018). Cependant, les politiques et programmes éducatifs traitent séparément les facteurs d’exclusion que sont le genre et le handicap. Bien qu’un travail de système éducatif inclusif soit en cours dans de nombreux pays, les enfants handicapés restent exclus de l’apprentissage au vue du système non-adapté à leurs besoins. Les filles en souffrent tout particulièrement à cause des croyances populaires qui perpétuent la stigmatisation.
La conception traditionnelle des rôles sociaux influence par exemple l'investissement des familles et des communautés dans l'éducation de leurs filles. Puisque le garçon est perçu comme futur responsable des revenus de la famille, l'envoyer à l'école sera perçu comme un bon investissement, alors que les filles se contenteront des travaux domestiques sans besoin d’éducation. Cette tendance est accentuée avec les enfants handicapés, car les envoyer à l’école est considéré comme une perte d’argent. En effet, leur handicap est fréquemment estimé comme une « tragédie » ou une « punition » pour la famille, impliquant un risque d'abandon et de maltraitances de l'enfant, et plus particulièrement des filles, particulièrement vulnérables aux abus et violences sexuelles.
Ainsi, la promotion de l’éducation inclusive est essentielle comme le montre le rapport de Handicap International de janvier 2021 sur l’éducation des filles handicapées (Handicap International 2021). Premièrement, le droit à l’éducation doit être respecté en tant que droit fondamental et par son inscription dans les différentes Conventions des Nations Unies relatives « aux droits de l’enfants », « aux droits des personnes handicapées » et « sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ». Deuxièmement, l’éducation inclusive de qualité permet de réduire la pauvreté et les inégalités sociales et d’accroitre l’amélioration de la santé ainsi que les opportunités d’emplois aux personnes vulnérables, dont font parties les filles handicapées. Finalement, l’investissement dans l’éducation de tous les enfants, y compris les filles handicapées représente un impact économique positif sur les individus, leur communauté et sur l’économie du pays. En effet, le manque d’éducation prive ces personnes à l’accès au marché du travail, une exclusion qui représente jusqu'à 7% du produit intérieur brut (Buckup, 2009).
"En effet, leur handicap est fréquemment estimé comme une « tragédie » ou une « punition » pour la famille, impliquant un risque d'abandon et de maltraitances de l'enfant, et plus particulièrement des filles, particulièrement vulnérables aux abus et violences sexuelles."
Handicap International, grâce à son expérience dans le domaine de l’éducation depuis 1981, et de l’éducation inclusive depuis 2004, travaille avec à une approche multisectorielle en collaborant avec les gouvernements, la société civile et le secteur privé. L’organisation met notamment en œuvre le projet « Girls Education Challenge-Transition » au Sierra Léon en collaboration avec le Ministère de l’éducation. L’objectif est de permettre aux enfants handicapés de pouvoir accéder à l’école, de recevoir les services nécessaires et de changer les attitudes et les regards envers les enfants handicapés. Des visites à domicile sont également incluses afin de permettre aux familles d’être en contact avec les services de santé et d’éducation mais également avec leur communauté. En addition, des enseignants spécialisés sont formés à aider individuellement des enfants demandant des besoins spécifiques.
L’action de Handicap International prend donc plusieurs formes : identification des enfants handicapés non scolarisés, appareillage pour la scolarisation, mise en accessibilité des écoles, formation des enseignants, défense du droit à l’éducation, accompagnement individualisé ou adaptation du matériel d’enseignement. Par exemple, pour les enfants sourds, les spécialistes de Handicap International conseille aux professeurs de ne jamais tourner le dos aux élèves car ils ont besoin de la lecture labiale qui les aide à comprendre et à traiter l’information (Handicap International, 2020).
Désormais, la Covid-19 complique d’autant plus l’accès à l’éducation et notamment celui des enfants handicapés. Pour eux, la fermeture des écoles et les nouveaux moyens innovateurs d’enseignement, représente un véritable challenge. Ces enfants, et particulièrement les filles handicapées, souffrent d’un accroissement d’exclusion, de pauvreté et de vulnérabilité. Les équipes de Handicap International veillent à ce que leurs besoins soient pris en compte. L’organisation offre par exemple du matériel écrit à un enfant sourd lorsque les cours sont uniquement accessibles à travers des enregistrements audio. Les messages des gestes barrières, ainsi que du matériel d’hygiène sont également distribués afin que les enfants et leurs familles puissent être en sécurité.
Cependant, bien que cette pandémie ait permis de souligner les problèmes d’inégalités existants, elle doit désormais être perçue comme une opportunité pour aborder la thématique de l’éducation inclusive. Les gouvernements doivent réimaginer leurs systèmes éducatifs grâce à une approche multisectorielle et en prenant en compte les inégalités et les risques d’exclusion (Handicap International, 2020).