By Boubacar Fofana and Mike Nielson
Projet de développement holistique des filles DHF2 : une initiative de World Vision Sénégal et World Vision Suisse, accompagnés par Grandmother Project pour mettre fin aux pratiques culturelles néfastes et promouvoir le bien-être des filles dans 52 villages du Sénégal. Valoriser les pratiques culturelles positives et décourager les pratiques néfaste: le credo du projet pour promouvoir les droits humains par l’augmentation des capacités et des libertés de chacun y compris ceux des enfants en général et des jeunes filles en particulier.
Le changement de normes sociales requiert un long processus allant de l’acquisition de connaissances au changement de perception, d’attitude, de conduite et enfin de comportements ou d’abandon de pratiques préjudiciable à la santé et au bien-être des enfants.
Au Sénégal, la pratique des mutilations sexuelles génitales fait partie intégrante des traditions culturelles de beaucoup de communautés, notamment celles du Nord, du Sud et de l’Est du pays, où les prévalences les plus élevées de femmes ayant déclaré avoir été excisées sont notées. A tire d’exemple, dans les régions de Kolda et de Matam, il est noté une prévalence très élevée avec respectivement 94% et 93% de femmes excisées. Ces régions sont suivies par celles de Tambacounda, avec 86%, de Ziguinchor avec 69% et de Saint-Louis avec 44%. L’ethnie et la religion restent les deux facteurs fondamentaux qui déterminent la pratique de l’excision, (ANSD, 2005).
Considérées comme une violation des droits humains et une forme extrême de discrimination à l’égard des filles et des femmes, les mutilations génitales féminines ont été officiellement interdites au Sénégal à travers le vote de la loi n°99 05 de janvier 1999. Cette disposition juridique, couplée à celle de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ont contribué à créer un environnement favorable à l’action des autorités étatiques, des organisations non gouvernementales et des associations de défense des droits de l’homme et des femmes.
Malgré cette interdiction, l’excision continue à être pratiquée d’une façon clandestine dans certaines communautés. Cette situation a révélé, entre autres, que l’approche par la répression ne constitue pas la panacée quant à l’éradication de la pratique des MGF. Fort de ce constat, World Vision Suisse et World Vision Sénégal, avec l’appui méthodologique de Grandmother Project (GMP), ont mis en œuvre un projet intitulé « Développement Holistique des Filles. DHF 2 » dans la communauté rurale de Kandia, située dans le département de Vélingara, région de Kolda, au Sud du Sénégal.
Le but principal était de renforcer les capacités des communautés à promouvoir les valeurs et pratiques culturelles positives qui contribuent au développement physique, moral, spirituel, social et intellectuel des jeunes filles et à plaider en faveur de l’abandon des mutilations génitales des filles et autres pratiques néfastes.
Lors de la mise en œuvre deux autres indicateurs ont été intégré au projet relative à la diminution des grossesses précoces et à la hausse de l’âge de mariage des filles (tous les deux en rapport avec le but du projet vis-à-vis de la promotion du bien être des jeunes filles).
En effet le Sénégal a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) et ratifié les principes édictés par la Charte internationale des droits de l'homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1986) et, surtout, la Convention sur l'élimination de toutes formes de discriminations à l'égard des femmes (1979). Des stratégies, des plans d'action et des programmes ont été élaborés durant les conférences majeures de la Décennie des Nations Unies pour la femme entre 1975 et 1985 à Mexico, Copenhague, Nairobi, puis, à Beijing, en 1995. Cependant le droit au contrôle de corps et de sa sexualité reste de loin un rêve jusqu’ici difficile à réaliser pour beaucoup de femme.
C’est pourquoi le projet DHF 2, qui est basé sur une approche communautaire intergénérationnelle a fortement impliqué toutes les couches de la société en général et les ainés, notamment les grand-mères. Les actions menées dans le cadre du projet se sont appuyées sur une approche non coercitive, qui a privilégié l’écoute, le dialogue, la sensibilisation, le renforcement des connaissances des communautés, entre autres. Un partenariat local solide a été construit et les acteurs de l’école, de la santé, de la culture (Inspection Départementale de l’Education, directeurs d’école, enseignants, personnel de santé, leaders religieux, élus locaux) ont joué un rôle fondamental dans la mise en œuvre des différentes activités. Leur identification aux communautés et leur connaissance du contexte socio-culturel ont renforcé la confiance des communautés et leur implication.
Cette approche est en ligne avec les quatre principes étant les plus pertinents pour l'application de l’approche basée sur les droits de l’homme :
Ce projet a permis entre autres acquis, de :
L’un des objectifs du projet était de décourager le mariage précoce et forcé, mais aussi les grossesses précoces. Les données collectées ont révélé que les perceptions et les attitudes à l’égard de ces pratiques ont considérablement évolué. L’âge au mariage a sensiblement augmenté et les mariages et grossesses précoces ont beaucoup diminué passant de 15 à 17 ans.
Les acteurs de l’école ont tous exprimé leur satisfaction par rapport au projet qui selon eux, «a permis de rapprocher l’école de la communauté et une meilleure prise en charge des exigences du milieu. Ainsi, les populations des villages de l’intervention se retrouvent davantage dans l’école qui valorise leurs cultures. Bref, il y a eu « une réconciliation entre l’école et la communauté qui voyait en l’école un facteur de rupture et a permis une fixation des enseignants dans les localités alors qu’avant ils ne voulaient pas y rester et certains préféraient même rentrer sur Vélingara».
L’autre facteur qui a facilité l’adhésion des communautés, c’est le caractère participatif de l’approche qui a impliqué et responsabilisé les membres de la communauté aussi bien dans la planification, la mise en œuvre, que dans le suivi des activités.
Ce qui a permis un engagement progressif des communautés à abandonner la pratique de l’excision et à un rehaussement de l’âge du mariage.