By Elena Melani and Dr Prosper Silemehou
Médecins du Monde Suisse s’engage pour la santé mentale au Bénin. En partenariat avec le gouvernement béninois, nous facilitons l’accès aux services de prise en charge à travers des actions innovantes. Depuis le début de la pandémie, nous avons offert à environ mille personnes une écoute psychologique.
Depuis dix ans MdM-Suisse œuvre pour la santé des plus vulnérables au
Bénin et appuie le gouvernement pour améliorer les services envers la
population avec une attention particulière sur la prévention et la prise
en charge des violences basée sur le genre. Aujourd’hui,
les différentes études menées n’ont pas permis d’identifier d’évidences
solides quant à l’impact de la covid-19 sur la situation des violences
basées sur le genre au Bénin. Cependant, à travers notre travail en
collaboration avec les centres de prise en charge de l’Etat, nous avons
noté une augmentation de 31 % de la demande d’aide par les survivant.e.s
entre 2019 et 2020. Globalement dans le pays, la prise en charge
publique de la santé mentale reste largement négligée. Jusqu’au début de
l’année 2021, elle se limitait aux seuls services psychiatriques. Le
premier concours national pour recruter des psychologues vient
uniquement d’être lancé cette année.
En collaboration étroite avec le Ministère des Affaires Sociales ainsi qu’avec l’appui de partenaires tels qu’UNICEF, la Direction de la Coopération suisse, le Service de Solidarité Internationale du Canton de Genève, Latitude 21 ; MdM Suisse a pu mettre à l’échelle en 2020 ses actions innovantes pour adapter sa réponse aux besoins des populations fragilisées par la pandémie.
Afin d’offrir une prise en charge des enfants victimes de violences dans le contexte de Covid-19, trois psychologues ont été mis à disposition de trois Centres de Promotions Sociales (CPS) au nord, centre et sud du pays. Ces psychologues sont venus en renfort pour appuyer le service social offert par les CPS du ministère des Affaires sociales. Ils ont assuré une permanence dans les CPS pour un accompagnement psychologique jusque-là inexistant. Ils ont pu offrir des services d’écoute et d’accompagnement psychologique à travers une thérapie individuelle ou collective en fonction des besoins identifiés. Au total sur six mois d’activités en 2020, ce sont 852 personnes dont 48 adultes et 804 mineurs qui ont été écoutées et accompagnées par les psychologues au niveau des CPS. La majorité des enfants reçus étaient victimes de violences sexuelles.
Parallèlement, les psychologues ont également assuré un rayonnement itinérant dans les autres points d’entrée des victimes (Commissariats de police, hôpitaux, tribunaux, ONG) et organisé des visites à domicile. Initialement prévues pour le suivi des cas reçus au CPS, ces visites sont réalisées sur la base d’un choix aléatoire d’itinéraire dans les quartiers d’intervention (une fois l’itinéraire retenu, chaque domicile est systématiquement visité sur le chemin). La figure innovante de psychologue « itinérant » a été initiée pour répondre au besoin de service de proximité accessible aux personnes plus réticentes, permettant également d’identifier les victimes qui n’auraient pas pu se déplacer vers les centres d’écoute pour demander de l’aide. Ces visites renforcent les connaissances des familles, permettent de déstigmatiser la santé mentale au niveau communautaire et facilitent le dialogue et la demande d’aide ultérieure. Sur six mois d’activités, 440 visites à domicile ont été réalisées par les psychologues. Ces visites ont permis d’identifier et/ ou de suivre les enfants victimes et de sensibiliser les ménages sur la protection de l’enfant. Ces sensibilisations de proximité ajoutées aux sensibilisations de groupes organisés ont permis de toucher 1.018 personnes dont 625 femmes, 283 hommes et 110 enfants rien que sur l’année 2020.
De manière transversale, l’activité des psychologues a également permis
d’identifier de nouvelles victimes et d’assurer le référencement des cas
compliqués au niveau des Centres lntégrés de Prise en Charge des
victimes de Violences Basées sur le Genre (CIPeC-VbG) pour une prise en
charge holistique. Les CIPeC-VbG, également appuyés par MdM Suisse, sont
une entité à part entière du Ministère de la Santé et sont logés au
sein des Hôpitaux Départementaux. Le paquet de service des CPS a ainsi
été renforcé par l’appui psychologique et les témoignages des
professionnels confirment une amélioration de la collaboration
interinstitutionnelle grâce au travail des psychologues.
Dans
le cadre de la célébration de la Journée Internationale de la Femme le 8
mars dernier, MdM-Suisse et le ministère des Affaires sociales ont
choisi de marquer les esprits avec une opération de sensibilisation et
de plaidoyer de masse sur l’écoute psychologique. C’est ainsi que 37
psychologues ont été mobilisés sur deux journées et répartis dans 31 CPS
(sur les 85 que compte le pays) afin d’offrir une écoute psychologique
aux victimes de violences et autres usagers des CPS qui étaient dans le
besoin. A travers ces journées portes ouvertes pour la déstigmatisation
de la santé mentale, plus de 250 victimes de violences – majoritairement
adultes - ont bénéficié d’une écoute psychologique. Pour la majorité
des cas, il s’agissait de multiples formes de violences ; on note
cependant une prépondérance aux violences physiques :
Au-delà de la prise en charge - concrète mais certes trop courte –
offerte aux victimes ; cette opération aura permis de mettre en lumière
l’importance du besoin et de déstigmatiser une demande encore souvent
trop discrète.
Au
cours de cette dernière année, efforts et synergies des différents
partenaires ont pu offrir un service de santé mentale de qualité à
certaines communautés, en particulier aux victimes de violences. La
volonté du Ministère des affaires sociales pour renforcer l’offre de
santé mentale s’est illustrée par l’initiative des journées
portes-ouvertes autour du 8 mars. Nous espérons vivement qu’elle
continuera à se manifester par le recrutement de psychologues dans les
différents services publics. Si la Covid-19 a créé des conséquences
sanitaires dramatiques dans le monde entier, elle a aussi permis de
prouver les capacités de résilience de nombreux acteurs. Dans ce cas, il
est évident que la situation a poussé les autorités et les services de
prise en charge à construire de nouvelles stratégies adéquates et
innovantes, dont l’impact positif perdurera au-delà de la pandémie.