By Andréa Rajman
L’OMS estime que le changement climatique causera près de 250 000 décès par an entre 2030 et 2050, dus aux maladies transmissibles et non transmissibles liées au climat et que son impact cummulé sur les frais de santé pourra s’élever jusqu’à 2 à 4 milliards de dollars. Au cours des trois dernières années, le monde, et la coopération internationale, ont été confrontés à une crise multiforme : crise sanitaire, climatique, humanitaire, énergétique, économique et alimentaire. Dans ce bulletin sur « le monde en crise – changement climatique, pandémie et guerre », Medicus Mundi Suisse publie un aperçu des préoccupations de nos associations membres et des différents acteurs.trices actifs dans la coopération internationale. Il illustre le débat qui a eu lieu durant le Symposium MMS le 2 novembre 2022 à Bâle et qui a offert l’espace nécessaire pour une réflexion sur cette thématique.
Parmi les questions traitées lors du symposium, on peut citer : comment les crises profondes auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui influencent-elles la santé et ses déterminants? Détériorent-elles le développement social et économique, l'accès équitable aux soins de santé? Comment influencent-elles la manière dont les acteurs.trices travaillent et leurs capacités à y répondre?
Cette première partie aborde les effets des crises sur le respect du droit à la santé, la manière dont les acteurs de la coopération internationale en matière de santé y répondent et questionne comment les politiques devraient réagir afin d'assurer l'avenir de la planète.
Remco van de Pas met en lumière comment un modèle économique conçu pour produire de la croissance affaiblit les systèmes de santé et entraîne le dérèglement climatique et explique qu’une condition nécessaire pour que les acteurs de la santé globale puissent répondre au changement climatique et à l'effondrement de la biodiversité est qu’ils promeuvent un modèle de croissance “non économique". En effet, dans le modèle actuel les soins de santé coûtent plus cher à la société et à l'environnement que les bénéfices qu'ils apportent. Il faut donc investir beaucoup plus dans les soins de santé primaires, le développement du personnel de santé et la protection sociale liée à la santé (Contribution de van de Pas).
Remco van de Pas met en lumière comment un modèle économique conçu pour produire de la croissance affaiblit les systèmes de santé et entraîne le dérèglement climatique et explique qu’une condition nécessaire pour que les acteurs de la santé globale puissent répondre au changement climatique et à l'effondrement de la biodiversité est qu’ils promeuvent un modèle de croissance “non économique".
Le 6ème rapport (2023) de synthèse du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) de l'ONU souligne une nouvelle fois la gravité de la situation en estimant que le réchauffement de la planète atteindra 1,5C dès le début des années 2030. Il indique clairement que les phénomènes météorologiques extrêmes sont en augmentation et imposent des contraintes sans précédent à la société, aux économies et à l'environnement. En particulier, les pays les plus pauvres sont menacés par la sécheresse, les vagues de chaleur et la hausse du niveau des océans.
L’article de Astrid Knoblauch et Gulara Afandiyeva illustre comment le changement climatique et l’extraction excessive d’eau pour l’irrigation du coton ont réduit de 90% la taille de la mer d’Aral en Ouzbékistan. Les tempêtent de poussière qui en résultent, associées à la contamination par les pesticides agricoles, ont entraîné une pollution de l’air, des sols et de l’eau. Cela a augmenté de plus de 30% les maladies non transmissibles au sein de la population locale (Contribution de Knoblauch, de Afandiyeva, de Das, de Dietler et de Prytherch).
Beat Jans, président du gouvernement du canton de Bâle-Ville, explique que les dirigeants des pays riches du Nord ont la responsabilité de réagir rapidement pour atteindre la neutralité climatique face à la menace existentielle que le changement climatique fait peser sur la santé et le bien-être de la planète.
Blaise Genton explique comment le changement climatique a été relégué au second plan des priorités mondiales du fait des efforts considérables déployés dans les pays à revenu élevé pour lutter contre la pandémie de Covid-19, malgré les risques bien plus graves que représentent le changement climatique et la perte de biodiversité. Les ONG du secteur de la santé pourraient et devraient questionner l’action des autorités politiques et jouer un rôle de premier plan dans l'atténuation des effets du changement climatique et de la perte de biodiversité, et promouvoir des pratiques durables, équitables et justes.
Selon lui, «Because of the political failure, it is an opportunity, and even a duty of NGOs to circumvent government inaction. They should foster bottom-up initiatives involving the civil society, citizens, communities, associations, etc. They should work on alternative societal models (out of the box), promote autonomy rather than dependence. Assessing major environmental risks to foster mitigation and adaptation actions rather than substitution is essential.” (Contribution de Genton)
Blaise Genton explique comment le changement climatique a été relégué au second plan des priorités mondiales du fait des efforts considérables déployés dans les pays à revenu élevé pour lutter contre la pandémie de Covid-19, malgré les risques bien plus graves que représentent le changement climatique et la perte de biodiversité.
Hafid Derbal explique pourquoi les ONG ayant leur siège dans le Nord doivent réduire leurs propres émissions de CO2 pour atténuer les effets sanitaires et sociaux du changement climatique auxquels elles cherchent à remédier dans le cadre de leurs programmes de développement (Contribution Derbal).
Alan Schamroth conclut cette partie en indiquant que les ONG du secteur de la santé ont trois rôles essentiels: premièrement, fournir des soins de santé durables et de haute qualité. Deuxièmement, collaborer avec les services gouvernementaux existants afin d'éviter les doublons et le détournement de ressources sanitaires limitées. Troisièmement, elles ont l'énorme responsabilité d’êtres exemplaires, de servir de modèle en mettant en oeuvre les meilleures pratiques. Elles doivent intégrer la lutte contre le changement climatique dans tous leurs programmes et leurs propres organisations et renforcer la résilience au changement climatique des populations qu'elles servent (Contribution de Schamroth).
Hafid Derbal explique pourquoi les ONG ayant leur siège dans le Nord doivent réduire leurs propres émissions de CO2 pour atténuer les effets sanitaires et sociaux du changement climatique auxquels elles cherchent à remédier dans le cadre de leurs programmes de développement.
Au vu des différents défis globaux, maintenir et développer l’engagement international pour le renforcement du système de santé est primordial. Dans cette troisième partie, les auteurs.trices se penchent sur les systèmes de santé qui sont confrontés à des situations sans précédent pour répondre à des menaces sanitaires en constante évolution.
Des collaborations étroites peuvent amener un regard novateur et de nouvelles perspectives. En effet, lors de réponses à l'urgence, il est important de prendre en considération la coopération au développement pour impliquer la population à long terme de façon à ce qu’elle puissse s’approprier les projets.
Stuart Vallis et Thomas Rodrigues soulignent l’importance de coordoner l'aide humanitaire d'urgence à court terme et la coopération au développement à long terme dans des contextes comme l'invasion de l'Ukraine par la Russie ou de la crise multifactorielle au Burkina Faso. Dans la mesure où dans les deux cas il s'agit de sauver des vies, ces deux types d'aide sont complémentaires.
“More broadly, we need to think differently about the way projects are implemented to ensure a more sustainable impact and to avoid a situation where once the humanitarian actor, who is often present in the short term, has left, nothing lasts.” (Contribution de Rodrigues)
De même Stuart Vallis indique que : “The Nexus approach allows SDC’s National Program Officers and headquarter staff to be adaptive to the context and to implement programs with a blend of humanitarian and development responses and programs, to best address the needs of the affected populations. This is very well demonstrated in the examples of SDC’s health response in Ukraine where all interventions today are implemented on the boundary of humanitarian and development approaches.” (Contribution de Vallis)
Des collaborations étroites peuvent amener un regard novateur et de nouvelles perspectives. En effet, lors de réponses à l'urgence, il est important de prendre en considération la coopération au développement pour impliquer la population à long terme de façon à ce qu’elle puissse s’approprier les projets.
Prises individuellement ou combinées, ces crises ont des conséquences sur la santé des populations du monde entier et sur la gestion de la santé mondiale dans son ensemble. Lasha Goguadze explique comment le changement climatique affectera de manière croissante et disproportionnée la santé et le bien-être des plus pauvres et des plus vulnérables. Il accentuera les inégalités, augmentera la pauvreté, la faim, la précarité de l'emploi et aggravera le stress mental (Contribution de Goguadze).
Dans un autre contexte, Sherwan Bery, du Croissant-Rouge kurde décrit les difficultés rencontrées par les services d'urgence dans les zones de conflit en Syrie du Nord pour apporter les premiers secours aux combattants et aux civils blessés dans la région de Rojava, contrôlée par les Kurdes. Maja Hess, de Medico International Schweiz, décrit le stress mental subi par les professionnels de la santé qui travaillent dans de telles conditions (Contribution de Hess et de Bery).
En conclusion, dans un contexte de crises multiples, les auteurs.trices ont souligné l’importance pour la politique internationale de trouver une voie de sortie d’un mode crise et de revenir à un développement durable des structures adaptées, écologiquement responsables et favorisant le développement social et économique tout en réduisent durablement les conflits armés. Le temps presse car il ne nous reste plus beaucoup de temps!