Von Agnès Adjou-Moumouni
La Direction du Développement et de la Coopération (DDC) est engagée au Bénin depuis plus de 30 ans. L'orientation de l'appui suisse se fonde sur les priorités définies dans les politiques et stratégies sanitaires du Bénin. La DDC appuie le Bénin dans l’amélioration de l’état de santé de la population, avec comme priorités la prévention (santé maternelle et infantile), la participation communautaire pour un ancrage local et la qualité des soins et des services.
Depuis plus de trois décennies, la Direction du Développement et de la Coopération (DDC) contribue au développement du secteur de la santé au Bénin et son appui s’est renforcé au fil des ans. L'orientation de l'appui suisse se fonde sur les priorités définies dans les politiques et stratégies sanitaires du Bénin. En effet, la vision du pays pour l’horizon 2025 est que «le Bénin dispose d’un système de santé performant basé sur des initiatives publiques et privées, individuelles et collectives, pour l’offre et la disponibilité permanentes des soins de qualité, équitables et accessibles aux populations de toutes catégories, fondées sur les valeurs de solidarité et de partage des risques pour répondre à l’ensemble des besoins de santé du peuple béninois ». Cette vision s’inscrit bien dans la politique de santé de la Coopération Suisse qui reconnaît le rôle normatif des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Dans ce cadre, l’atteinte des OMD et l’atténuation de la pauvreté est un axe prioritaire de sa coopération au développement. Elle appuie donc le Bénin dans l’amélioration de l’état de santé de la population, avec comme priorités la prévention (santé maternelle et infantile), la participation communautaire pour un ancrage local et la qualité des soins et des services.
Le présent symposium nous donne encore une fois l’occasion de revisiter le chemin parcouru par le programme santé de la DDC au Bénin, de partager les acquis, les goulots d’étranglement, et les défis qui restent à relever.
Le Bénin compte une population de 9'364’619 habitants en 2011. L’indice synthétique de fécondité est de 5,7 enfants par femme. Le taux de croissance démographique est de 3,25%. Ce taux contraste avec celui de la croissance économique qui est de 3,1 en 2011. Le PIB par tête est de 342’007 F CFA (684,01 CHF) en 2010 contre 349'058 F CFA (698,12 CHF) en 2011. Le pourcentage de pauvres est passé de 35,2% en 2009 à 36,2% en 2011. Le taux de mortalité néonatale est de 32 pour mille naissances vivantes (NV); le taux de mortalité infantile est de 67 pour 1’000 NV. Le taux de mortalité maternelle est de 397 pour 100’000 naissances vivantes; c'est-à-dire qu’une femme décède des suites d’accouchement toutes les 6 heures ce qui correspond à 1’500 décès de femmes par an. Le taux de mortalité maternelle intra hospitalière est de 314,5 dans le Borgou et de 98,3 dans les Collines en 2011 pour 100’000 milles naissances vivantes. (Annuaire des statistiques sanitaires 2011)
Le budget du secteur de la santé a connu une diminution de 16,14% par rapport à l’année 2010, passant de 82'462'600’000 F CFA en 2010 (164'925’200 CHF) à 69'153'048’000 FCFA (138'306’096 CHF) en 2011. Le budget général de l’Etat en 2011 était de 1'099'100'000’000 F CFA (2'198'200’000 CHF), la part du budget alloué au Ministère de la Santé représente 6,29% et est largement inférieur au taux recommandé par le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement d’Abuja qui est de 15%. C’est dans ce contexte qu’intervient la DDC dans le secteur de la Santé au Bénin.
L’appui de la DDC au secteur de la santé au Bénin a porté essentiellement sur le renforcement des capacités des différents acteurs et l'amélioration de la couverture et du système sanitaires à travers sept (7) programmes : le Programme Médico-Sanitaire Bénino-Suisse remplacé par le Programme d'Appui au Développement de la Santé, le Programme de Développement des Services de Santé suivi du projet de Construction et/ou de réhabilitation de 24 centres de santé (CS24), l'appui à la mise en place de la Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels (la CAME), le Programme Mutuelles de Santé, le Programme de Renforcement de la Société civile en matière de santé remplacé par le Programme Socio-Sanitaire, actuel Appui Suisse à la Santé et tout récemment le projet d’appui au secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement. L’aire de couverture du Programme Santé de la DDC au Bénin a varié au cours des années. La DDC intervient aujourd’hui dans les départements du Borgou et des Collines. Cinq zones sanitaires sont couvertes. Trois programmes sont en cours : l’Appui Suisse à la Santé, les Mutuelles de santé et l’eau, l’hygiène et l’assainissement.
Appui suisse à la santé : 19'615’598 CHF (phases précédentes) ; phase en cours : 3'972’000 CHF
Appui suisse aux mutuelles de santé : 5, 7 mio CHF (phases précédentes); phase en cours : 2'013’000 CHF
Eau, hygiène et assainissement : CHF : 1'400’000 (en cours)
L’objectif du Programme santé de la DDC au Bénin est l’amélioration de l’état de santé de la population, notamment des groupes les plus touchés par les principaux problèmes de santé que sont les femmes et les enfants.
Notre présentation sera axé sur le volet « appui à la réduction de mortalité maternelle et néonatale » dont l’objectif est bien de réduire la mortalité maternelle et néonatale.
L’expérience est née du constat fait en novembre 2002 par rapport à la situation sanitaire de zone d’intervention. L’analyse statistique du département du Borgou a montré que la zone sanitaire de Tchaourou avait le Ratio de mortalité maternelle le plus élevé du Borgou (973 pour 100’000 naissances vivantes (NV) contre 272 pour tout le Borgou). La Mortalité Maternelle intra hospitalière était très élevée (2780/100’000NV). Ces décès interviennent lors des accouchements à domicile, sur la route ou une fois arrivée dans un centre de santé ou l’hôpital de référence de 1er niveau. Parmi les enfants qui naissaient vivants dans ces conditions, 20% ne franchissent pas le cap du 1er mois de vie. Trois principales causes primaires concourent à cette situation.
A cela s’ajoute la faible prévalence contraceptive et l’état de santé précaire de la femme et de l’enfant.
Il faut aussi prendre en compte d’autres éléments dont :
La DDC, suite à l’analyse du contexte, a choisi de s’investir dans la santé de la mère et de l’enfant avec pour objectif fondamental la réduction de la mortalité maternelle et néonatale.
Pour atteindre cet objectif, des stratégies et interventions ont été identifiées avec pour ligne directrice : l’amélioration de la qualité des soins et services de santé aux populations les plus défavorisées, (les plus pauvres et les plus vulnérables des régions les moins couvertes en soins de santé du pays) notamment aux femmes gestantes et parturientes, nouveau-nés et enfants des régions pauvres, éloignées ou enclavées.
Les principales sont :
Notre approche est bien intégrée au terrain, elle est axée entre autres sur:
L’essentiel à retenir se présente comme suit :
La formation : Identification des besoins spécifiques de chaque Zone Sanitaire en formation en Soins Obstétricaux Néonatals d’Urgence (SONU/GATPA ; GATPA : Gestion active de la 3ème période d’accouchement ; SONU : Ce sont des soins destinés aux gestantes, aux parturientes, aux accouchées et aux nouveaux nés présentant des maladies ou complications gravido-puerpérales (de la grossesse ou des suites de grossesse). Ces soins exigent une démarche thérapeutique immédiate et permanente de 24 heures sur 24.)
Les agents de santé ont des besoins différents en matière de renforcement de compétence en SONU/GATPA. Il était nécessaire d’organiser des formations ciblées axées sur la performance pratique des prestataires en vue de mettre à niveau de manière efficace les prestataires de soins maternels et infantiles.
Renforcement de la supervision technique (Suivi post formation/coaching) : les performances acquises par les prestataires de soins et services de maternité devraient être maintenues, d’où la stratégie de renforcement de la performance des superviseurs locaux, en vue de la pérennité de l’intervention.
Normalisation des SOUB et SOUC : la qualité des soins Obstétricaux d’Urgence de Base (SOUB) et des Soins Obstétricaux et Néonataux Complémentaires (SOUC) est également basée sur la mise en place et le respect des bases théoriques de leur délivrance à savoir : les documents de normes et standards, et les outils appropriés pour la documentation des actes.
Assistance en gestion informatisée des données sanitaires : la stratégie d’assistance directe pratique et basée principalement sur l’informatique a été retenue pour améliorer la gestion des données statistiques des zones sanitaires en général et des données statistiques des maternités en particulier.
Construction/ réhabilitation d’infrastructures des zones les plus reculées et les plus pauvres et fourniture d’équipements médico-techniques : L’état des infrastructures tant de travail que de vie des prestataires de soins maternels et infantiles étaient des plus déplorables. Il a été retenu de régler rapidement ces problèmes par la réhabilitation/construction et équipement tant des maternités que des domiciles des professionnels de santé des zones les plus reculées et les plus pauvres.
Installation Réseaux aériens de communication (RAC) et gestion des références: Il s’est avéré urgent d’investir dans la mise en place d’un système de communication adéquat entre les services qui réfèrent et les hôpitaux de zone ainsi qu’un système de transport susceptible de réduire les délais de route lors des références. Le dialogue politique a facilité la mise en place des ambulances prêtes à démarrer avec une parturiente référée vers l’hôpital de zone.
Le suivi personnalisé des prestataires de soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgencedéveloppe la dimension humaine dans la transmission du savoir et du savoir-faire à travers :
La maternité sans risque : c’est un produit d’assurance qui est offert aux villages, il couvre les prestations de consultation prénatales et l’accouchement. Il coûte 350 F CFA (0,7 CHF) par habitant du village par an. Il contribue à la réduction des retards en soins maternels et infantiles. Sa valeur ajoutée est la promptitude dans la prise en charge des femmes. Médiation sociale en communauté et dans les Formations sanitaires : les multiples conflits internes au sein des équipes de santé et dans les communautés ont été identifiés comme l’un des goulots d’étranglement qui influencent négativement la performance des équipes de santé, particulièrement celles des maternités. Un accent a été mis sur la stratégie de la médiation sociale directement au sein des équipes de santé et dans les communautés pour enrayer rapidement ce phénomène de l’intérieur des équipes de santé.
La médiation sociale est un élément moteur des Soins Obstétricaux et Néonatals d’Urgence (SONU) Communautaires. Les SONU communautaires sont l’ensemble des mesures que doit prendre la communauté pour empêcher la survenue de l’urgence obstétricale et/ou de l’urgence néonatale et aider à mieux la gérer lorsqu’elle survient. Les communautés disposent de savoirs et de savoir-faire qui déterminent les pratiques quotidiennes en matière de gestion de la grossesse, de l’accouchement et du nouveau-né. La forte implication des communautés par l’approche « médiation sociale » a permis de faire le lien entre les savoirs et les pratiques à travers des séances de persuasion et de négociation.
L’analyse participative des perceptions, des représentations populaires et des pratiques conduit à l’identification des problèmes (nœuds de médiation), des dysfonctionnements (écart entre discours et pratiques par exemple) sur lesquels il faut agir pour l’amélioration de la situation et la promotion des bonnes pratiques. Dans ce cadre,
Ces stratégies spécifiques au volet Appui à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale (ARMMN) sont soutenues par celles mises en œuvre par les autres volets programme Santé Bénin à savoir :
Dialogue Politique: le dialogue politique et stratégique avec le niveau central porte sur les problèmes et autres dysfonctionnements observés sur le terrain a été un élément transversal dans la mise en œuvre du volet.
Conditions de travail améliorées
Création de conditions-cadres
Système Référence et contre référence (RCR) renforcé
Evolution des indicateurs de performance du programme
Dialogue Politique:
il a permis :
Les difficultés peuvent se résumer en trois points essentiels.
Les bonnes pratiques du volet Appui à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale retenues, documentées et en cours de transfert aux équipes-cadres des Zone Sanitaires, de la Direction départementale de la santé du Borgou-Alibori et au ministère de la santé sont les suivantes :
Les principales leçons apprises sont les suivantes :
Le principal défi est d’être au rendez-vous des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD de santé) en 2015. En effet, la situation de la santé maternelle, néonatale et infantile révèle qu’avec toutes les interventions réalisées, on note sur le plan national une baisse annuelle de 4% du taux de mortalité infantile dont la cible fixée pour l’atteinte des OMD est de 65 pour 1000 naissances vivantes. Quant à la santé maternelle, la mortalité maternelle connaît une baisse annuelle de deux (2) points. La cible à atteindre en 2015 est de 125 pour 100 000 naissances vivantes. Pour accélérer les progrès vers l’atteinte des OMD 4 et 5, il est urgent de changer de paradigmes en renforçant et en réorientant les actions en prenant en compte les barrières socio-culturelles pour l’amélioration des indicateurs.
Pour ce faire, il est indispensable d’ici 2015 et au-delà de relever les défis suivants :
Le programme santé Bénin notamment le volet « Appui à la Réduction de la Mortalité Maternelle et Néonatale (ARMMN) » a pendant 10 ans, connu une évolution constante dans sa conception, en vue de s’adapter aux circonstances et contribuer à rapprocher le Bénin des OMD-santé 2015. En effet, les formes d’intervention les plus appropriées ont été établies ainsi que les mécanismes pour en suivre la performance et assurer l’atteinte des objectifs. Le principal défi est et demeure le maintien des performances atteintes et des acquis en vue d’assurer l’atteinte des OMD-Santé (4 et 5) en fin 2015 et au-delà.
*Agnès Adjou-Moumouni, sociologue-anthropologue. Depuis le 1er janvier 2004, elle est chargée de programme santé au Bureau de la Coopération suisse à Cotonou. 1994 à 1997, elle a travaillé dans le secteur de l’eau en tant que Spécialiste en développement communautaire dans le Programme d’Assistance au Développement du Secteur de l’Alimentation en Eau Potable et de l’Assainissement en Milieu Rural (PADEAR) à la Direction de l’Hydraulique, Cotonou- Bénin. 1997 à 2003 : responsable de la mobilisation sociale et de l’aspect genre dans les projets d’Hydraulique Villageoise et d’assainissement pilotés par la Direction de l’Hydraulique, Cotonou – Bénin. De 2003 à 2003, elle a travaillé en tant que consultante au bureau de la Coopération suisse, à Cotonou (bénin) sur les programmes santé financés par la DDC. Contact : agnes.adjou-moumouni@sdc.net