Von Dolo Oumou Diombele
Au Mali, les pratiques traditionnelles ont été mises en place pour réguler la vie de la communauté et quelque fois la vie de l’individu. Donc beaucoup d’actes de la société sont gérés selon la tradition, qui est conservée en général par des hommes de caste et des personnes exemplaires en moralité.
Parmi les pratiques traditionnelles, il existe certaines qui sont néfastes à la santé et surtout à la santé de la reproduction et qui vont à l’encontre du respect des droits humains comme l’excision ou le mariage précoce. Elles servent de contrôle de la vie sexuelle des femmes et des hommes. Ni les jeunes, ni les vieux n’ont encore l’information nécessaire pour pourvoir vivre une sexualité satisfaisante, mais ils ont vécus la douleur de la circoncision et de l’excision qui sont interprétées comme des rituels d’initiation pratiquées à la préadolescence. Ces rites initiatiques permettent de passer à l’âge adulte. En général, les rituels varient selon la zone, les religions et les ethnies:
Autrefois, les garçons du même âge entre 17 à 20 ans étaient circoncis. Chez de nombreuses ethnies, les jeunes garçons étaient internés en dehors du village pendant trois mois au moins. Ils étaient surveillés, gardés, formés, éduqués par des hommes de caste. Ils n’avaient aucun contact avec les femmes ou les filles, même pas avec leurs mamans ou sœurs. Ils apprenaient beaucoup de choses sur l’homme et la femme et aussi sur la bravoure, la connaissance des maladies, la protection de la famille et de la communauté, les valeurs et vertus moraux. Tous les jeunes circoncis se mariaient le même jour.
Les jeunes filles étaient excisées quand elles devenaient adolescentes entre 10 à 13 ans. Cet événement est toujours vivace malgré la lutte menée depuis des décennies pour l’éradiquer. Là aussi, les exciseuses commençaient l’initiation en leur apprenant les premières choses qui les attendent avec le mariage. Pendant le temps que dure la guérison, les filles restent ensemble et sont encadrées par les femmes de castes de mère à fille. Elles devaient apprendre entre outre à supporter la douleur, à connaître le cycle menstruel, à se préserver et rester vierge jusqu’au mariage, à connaître certaines maladies comme les maladies sexuellement transmissibles (IST).
Autrefois les mariages étaient arrangés entre deux familles. Les futurs époux ne se connaissaient pas avant le mariage. La fille était promise à son mari dès l’enfance. Le mariage se faisait très souvent sans le consentement des époux qui sont la plus part des jeunes (surtout la fille). Les garçons comme les filles étaient internés deux ou trois jours avant le mariage.
Les garçons étaient initiés aux premiers actes du mariage. Le but de cette initiation était de rendre le jeune homme fort, capable de dominer sa femme à tout moment. Ils devaient rien connaitre des relations sexuelles avant leurs mariages. Les initiateurs leurs apprenaient des incantations et des tours pour dominer sa jeune femme dès le début. Ils apprenaient également à savoir se dominer quand les circonstances l’exigeaient.
Les jeunes filles étaient internées trois jours avant le mariage et sont soumises à une alimentation spéciale, qui les affaiblit et permet au jeune homme de les posséder sans aucune lutte. On écartait du rituel les filles mères. Elles ne devaient pas recevoir les informations et les savoirs nécessaires à la vie de future femme car elle a déjà violé les règles en ayant un enfant avant le mariage.
Autrefois, la fille était confiée à un garçon qui avait la charge de la conduire jusqu’au mariage avec sa virginité. Le jour du mariage, la belle famille de la jeune femme devait le récompenser publiquement quand elle arrivait vierge au mariage. Le contraire était un déshonneur pour la famille de la fille et celle du garçon. C’est un apprentissage de la vie de couple (sans acte sexuel) pour les deux.
Après la célébration du mariage, les nouveaux mariés apprennent à se connaitre pendant une semaine. C’est la période nuptiale. Pendant cette période une femme appelée «magnanbaga» apprend au couple et surtout à la mariée tous les actes de la vie du couple.
Actuellement les époux se ‘’connaissent’’ avant le mariage donc la «magnanbaga» n’a qu’un rôle symbolique. C’est pourquoi un autre phénomène de diffraction est devenu très forte surtout dans les zones rurales: le mariage précoce (avant 18 ans), qui est un poids dur pour les jeunes filles. Elles ne sont pas préparées ni physiquement ni psychiquement d’être épouse et mère à un âge où leurs camarades dans les zones urbaines vont encore à l’école. Ce sont elles qui sont des victimes potentielles des fistules obstétricales. Sans éducation et appui professionnelle elles sont perdues dans une société rurale qui suivie encore des règles traditionnelles. Une femme qui souffre d’une fistule obstétricale est très souvent une femme expulsée à cause de son incontinence que fait mal aux hommes selon une superstition persistent.
Le coran ne dicte ni l’excision, ni la circoncision, ni le mariage arrangé ou précoce. Mais cette mauvaise interprétation de religion musulmane est très fréquente. Elle fait aussi que certains hommes empêchent leur épouses d’adopter une fécondité responsable ou même d’être régulières aux consultations prénatales et ou d’accoucher au centre de santé. Ces hommes et femmes affirment que le dénouement d’une grossesse est du ressort de Dieu et aucun être ne saurait la contrôler. Il y a de cela quelques années, beaucoup de fausses réactions ont été inventées sur la planification familiale. Comme par exemple un seul homme ne peut satisfaire l’utilisatrice de planning familiale, les produits contraceptifs donnent un mauvais caractère aux enfants qui naissent après, le mari de la femme qui utilise les produits contraceptifs devient de plus en plus impuissant.
L’éducation qui était une mission familiale et communautaire a disparue. Les rituels qui offraient des espaces d’information, de formation et d’éducation des filles et des garçons ont disparus. Les filles sont excisées clandestinement avec la complicité des parents et des exciseuses. Les garçons sont circoncis à bas âge au dispensaire par un professionnel de la santé, le coté éducationnel est perdu. Les traditions ont été délaissées qualifiées de barbares. Les vieux sensés formés et éduqués les jeunes sont aussi en manque d’informations nécessaires
Cette situation a créé une insuffisance de cadre en matière d’éducation, d’information et de suivi en matière de santé en général et dans le domaine de la santé de la reproduction en particulier. Les sources d’informations sont devenues les médias, les rumeurs, les copains et copines qui ne sont pas forcément plus informé. En milieu rural certaines sources ne sont toujours accessibles à la population. C’est comme par exemple la télévision ou les journaux.
Ceci a entrainé une augmentation des IST, des avortements clandestins, des infanticides, des grossesses non désirées, des abandons d’enfants, des grossesses rapprochées, précoces ou tardives.
La santé de la reproduction est un aspect fondamental de la vie et concerne chaque individu. Elle est le reflet de la santé au cours de l’enfance et de l’adolescence. Elle est essentielle pendant la période d’activité génitale féconde et conditionne également la santé des hommes et des femmes à un âge plus avancé. L’objectif est de permettre à chacun de vivre une sexualité responsable, saine et aussi une reproduction sans crainte conformément aux réalités socioculturelles du pays. Cet état de fait requiert un changement de comportement. Pour faciliter ces changements, nous développons d’une façon générale des stratégies pour informer et sensibiliser la société pour combler les vides ci-dessus cités:
Il y a eu un changement de comportement qui se manifeste par
Ces changements sont connus à travers les suivis périodiques dans les villages, la vérification des carnets de CPN, de vaccination avec les femmes et les hommes et au niveau des centres de santé par la vérification dans les registres de CPN, d’AA, de vaccination etc.
Un autre changement est la diminution des mariages précoces. C’est à partir des années 1990 que l’état s’est beaucoup investi pour la scolarisation des filles et leur maintien à l’école. Le taux de filles qui vont à l’école 65% pour les filles et 85 % pour les garçons, le taux de filles qui obtiennent le diplôme est 46%. En 2000, le taux de scolarisation de filles était de 48,3% pour les filles et 71,5 pour les garçons.
Il est visible par le maintien des filles à l’école, de plus en plus les jeunes filles ne veulent se mariées avant l’obtention d’un diplôme et du travail, en milieu rural les femmes sont de plus alphabétisées, les hommes aussi ne veulent plus épousés les femmes qui font rien et ne peuvent pas contribuer aux charges du ménage.
La durabilité repose sur la collaboration avec tous les acteurs à tous les niveaux et la mise en place d’un partenariat solide avec les communautés. La durabilité des actions reposent aussi sur le principe du aller avec et faire avec, aller avec et laisser faire, s’en aller et laisser faire.
Au niveau national: avec le Ministère de la santé en tant que tutelle. Il a été établit une collaboration étroite de ses services techniques qui sont la Direction Nationale de la Santé, la Direction Nationale de la Division sante de la Reproduction. Des journées de plaidoyers pour la gratuité de la fistule obstétricale sont organisées avec ces structures.
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Au niveau Régional: Il s’est établit aussi une étroite collaboration avec la Direction Régionale de la santé à travers un contrat qui est signé et qui facilite l’intervention avec IAMANEH MALI dans les centres de santé de référence qui dépendent hiérarchiquement de la DRS. Des contrats sont aussi signés avec les hôpitaux chargés de la prise en charge du traitement des cas.
Au niveau local: la durabilité est assurée par l’intégration des activités de IAMANEH MALI, des relais dans le Paquet Minimum d’Activité (PMA), la mise en place d’une point focale fistule dans le centre de santé de référence, la mise en place des relais communautaires qui aident et animent les ménages, les individus à prendre conscience des problèmes de santé de la communauté. La persévérance dans l’information et la sensibilisation ciblée des hommes femmes vieux jeunes filles et garçons par les relais et les comités.
La mise en place des comités fistules et des réseaux de plaidoyer contre les Infection sexuelle transmissibles (IST) VIH ou la fistule.
La stratégie d’intervention d’IAMANEH Suisse est une approche de développement durable qui implique tous les acteurs dans le cadre de la promotion d’un partenariat et la coordination efficace des actions entre structures gouvernementales, services de techniques de l’état, organisations et autorités communales locales. Elle part de la base au sommet.
La sensibilisation de la population est un travail à la base fait par les ONG en collaboration avec les services de santé. C’est l’ensemble des activités d’information, d’éducation et communication qui s’effectuent à travers des projets au niveau des villages avec la communauté,
La professionnalisation des services, le renforcement de compétences techniques pour mieux prendre en charge les problèmes de santé est un point indispensable, comme p. ex. la formation des chirurgiens pour le traitement de la fistule. Il manque partout de personnel qualifié, car les communes n’ont pas des moyens suffisants. Ce sont donc très souvent les ONG qui doivent les compléter.
Le système de collaboration, créé ainsi par tous les acteurs locaux permet de définir très clairement les rôles et les responsabilités de la tutelle technique et politique locale comme aussi les rôles de tous les autres intervenants.
Conditions cadres législatives et les standards, les mesures prises pour formaliser le partenariat et la collaboration avec les autorités communales, les services techniques de l’état.
L’ensemble des actions menées de la base au sommet constitue un système de santé durable. Il garantit le droit de santé et est du ressort de l’état. C’est comme par exemple la création par décret ou décision des comités nationaux pour le suivi de la mise en œuvre des programmes, le vote des lois pour garantir l‘accès de tous aux soins sans aucune discrimination.
Elle est concrétisée à travers un accord-cadre signé entre l’état et le gouvernement. Les clauses de cet accord engagent l’ONG à contribuer pour la réussite de la politique de santé et à s’investir pour la mise en œuvre des stratégies et programmes élaborés.
IAMANEH MALI a développé quatre axes:
La prévention de la fistule obstétricale de IAMANEH MALI est inspirée de la stratégie nationale de prévention et de la prise en charge de la fistule obstétricale. Les activités de IAMANEH MALI sont mises en œuvres suivants quatre grands axes:
1° La prévention porte sur la sensibilisation et l’information de la population, l’équipement en matériel médical des centres et hôpitaux, la prise en charge de la référence évacuation des femmes en urgences.
2° le curatif: il s’agit du recrutement des femmes victimes de fistule, la prise en charge du traitement des femmes victimes de fistule et leur réintégration socioéconomique dans leurs villages.
3° La formation des chirurgiens, des agents de santé, des accoucheuses traditionnelles, des comités villageois, et le développement d’une synergie avec tous les intervenants.
4° Le plaidoyer: il porte sur l’ensemble des activités de plaidoyer, de mise en place de réseaux à différents niveaux local, régional et national pour la prévention de la fistule et sa prise en charge gratuite.
On estime qu’en Asie et en Afrique subsaharienne, plus de 2 millions de jeunes femmes vivent avec des fistules obstétricales non traitées. Chaque année dans le monde, 50 000 à 100 000 femmes présentent une fistule obstétricale.
En retardant l’âge du mariage et de la première naissance, on peut réduire sensiblement le risque d’accouchement prolongé. Il est essentiel de mieux informer les femmes et leurs familles concernant les dangers de la grossesse et de l’accouchement et l’importance des soins obstétricaux d’urgence. Des campagnes de plaidoyer attentives aux valeurs culturelles et portant sur la santé maternelle et la fistule obstétricale pourraient instruire les communautés des signes de complication de la grossesse et de la nécessité d’obtenir sans délai une attention médicale. Les femmes qui ont été traitées avec succès pourraient aussi être formées à assister la campagne d’information communautaire. Le soutien des responsables locaux et nationaux est nécessaire à toutes les activités d’éducation.
Le traitement préventif le plus efficace reste cependant l'amélioration des conditions socio-économiques permettant une prise en charge médicale correcte des accouchements difficiles.
*Dolo Oumou Diombele est coordinatrice de IAMANEH Mali, une organisation sœur de IAMANEH Suisse. www.iamaneh.ch