Von Laurent Getaz
Dans de nombreux pays, le milieu carcéral représente un environnement à haut risque pour de nombreuses maladies infectieuses, en raison entre autres de la promiscuité, et d’un manque d’accès aux soins et aux mesures préventives élémentaires. Plusieurs prisons de Bolivie sont caractérisées par une forte surpopulation et une promiscuité importante.
Photo: Prison Bound © Thomas Hawk/ flickr
Concernant la santé et l’accès aux soins, les moyens sont limités en termes de ressources humaines, outils diagnostiques et moyens thérapeutiques. De plus, les données épidémiologiques concernant les pathologies affectant cette population carcérale précarisée sont lacunaires, voire inexistantes. Les soignants œuvrant dans les prisons du Département de Cochabamba, situés dans la région des vallées interandines, suspectaient que les infections de transmission sexuelle représentaient un problème de santé publique encore plus important en prison que dans la population générale, mais sans argument scientifique étayant cette hypothèse. Dès lors, il nous est apparu prioritaire de nous intéresser à cette problématique, afin de définir les mesures sanitaires préventives et thérapeutiques prioritaires à mettre en œuvre.
Le premier volet de ce projet a consisté en une étude clinique qui visait à définir la prévalence et les facteurs de risques du VIH, de la syphilis, de l’herpes type 2 et de l’hépatite B au sein de la population de femmes incarcérées dans la prison de San Sebastian.
Nous avons démontré que la prévalence de la syphilis est exceptionnellement élevée au sein de cette population, avec une prévalence de 12,8% : 28 femmes sur 219 ont les tests tréponémiques et non tréponémiques positifs. La prévalence de l’herpes type 2 est également élevée, avec 63% de seropositivité. 1,4% (3/219) des femmes sont VIH positives, alors que seulement 1 femme sur 219 (0.5%) présentait une hépatite B chronique (hépatite B résolue : 12% (26/219)). Le principal facteur de risque associé à la syphilis, à l’herpes type 2 et à l’hépatite B est le bas niveau socio-économique.
Ce projet a comporté d’autres volets au plan de la recherche épidémiologique :
Ce projet a débouché sur la mise en œuvre de programmes opérationnels concrets dans la prison pour femmes San Sebastian de Cochabamba. Depuis 2013, l’Association Santé Suisse Bolivie (ASSB) met à disposition des services de santé pénitentiaires de la prison de San Sebastian des tests rapides pour la syphilis destinés à toutes les femmes incarcérées dans cette prison, en insistant sur la population de jeunes femmes enceintes ou en âge de procréer. Le Ministère de la Santé bolivien fourni les traitements des femmes infectées. Les résultats de ce projet ont été présentés au premier congrès de médecine pénitentiaire de Bolivie en 2014 et les autorités sanitaires et pénitentiaires nationales souhaitent s’inspirer de ce projet pilote pour étendre les activités démontrées pertinentes à d’autres prisons boliviennes. Concernant le HIV, depuis peu, les femmes incarcérées qui sont infectées ont accès au « programme officiel destiné à la communauté » : non seulement les patientes bénéficient d’une trithérapie, mais aussi d’un suivi régulier par des spécialistes du VIH. Des tests sérologiques rapides pour le VIH sont aussi disponibles en prison. De plus, l’ASSB finance des interventions de prévention dans cette prison : une fondation bolivienne de Cochabamba spécialisée pour les activités de prévention du HIV dans la communauté intervient maintenant régulièrement dans cette prison. De plus, le ministère de la Santé facilite l’accès aux préservatifs.
Ce projet est développé par l’association de Genève « Association Santé Suisse Bolivie », en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève, et des institutions et autorités boliviennes (l’hôpital publique VIEDMA de Cochabamba, l’Université de médecine « Mayor de San Simon » à Cochabamba et le Service de Santé Pénitentiaire de Cochabamba).