Introduction au Triple Nexus (Humanitaire, Developpement et Paix)

Travailler dans les contextes fragiles

Von Fédération Vaudoise Coopération - FEDEVACO

La majorité des pays dans lesquels les organisations membres de la Fedevaco soutiennent des projets peuvent être considérés comme fragiles (States of Fragility 2022). Le nombre de crises augmente et leur durée s’allonge, les Objectifs de Développement Durable (ODD) sont loin d’être atteints et le respect des droits des plus vulnérables est en péril. Dans ces contextes, l’approche du triple nexus cherche à améliorer l’efficacité des appuis des acteurs externes, donc de mieux coordonner les différents acteurs (humanitaires, de coopération au développement et de promotion de la paix) afin d’éviter les doublons, mais aussi de cesser de travailler en silos. L’objectif est de répondre aux besoins immédiats tout en prenant en compte les besoins structurels et en consolidant la paix à long terme. Cet article vise à expliciter la notion du triple nexus et les principes de base de cette approche.

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Travailler dans les contextes fragiles
Foto von Антон Дмитриев auf Unsplash


Qu’est-ce que le nexus

Le nexus désigne les relations et synergies entre l’aide humanitaire, la coopération au développement et les actions de promotion de la paix. On parle de double nexus pour les relations et liens entre aide humanitaire et coopération au développement et triple nexus si l’on y rajoute les activités de promotion de la paix.

L’approche nexus demande que les acteurs du développement et de l’humanitaire collaborent plus étroitement et renforcent leur cohérence et complémentarité en s’alignant sur les mesures de soutien en faveur de la paix. C'est une façon de travailler par un engagement simultané et un partage de responsabilités dans des contextes spécifiques qui privilégie toujours la prévention, le développement là où c'est possible et l'action humanitaire lorsque c'est nécessaire.

Quand le nexus s’applique-t-il ?

L’approche nexus s’applique dans tous les contextes où les différents acteurs de développement et d’aide humanitaire et/ou de promotion de la paix sont actifs et donc particulièrement dans les contextes fragiles.[i]

L’approche nexus ? Pourquoi et Comment ? (ECDPM (2021)

L’aide humanitaire, la coopération au développement et les activités de promotion de la paix sont les trois piliers du nexus.

La logique de cette approche assure que l’aide humanitaire puisse se concentrer sur les besoins critiques pendant que la coopération au développement se focalise sur la résilience à long terme, promouvant ainsi la paix et la construction de communautés justes et résilientes.


« Schéma traduit et adapté de https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Tana_Nexus_Brief.pdf et diplofoundation “Nexus: Breaking the silos between humanitarian, development, and peace activities », Dominique Hempel Rodas » 
« Schéma traduit et adapté de https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Tana_Nexus_Brief.pdf et diplofoundation “Nexus: Breaking the silos between humanitarian, development, and peace activities », Dominique Hempel Rodas » 


L’approche nexus :

  • demande que les acteurs de l'humanitaire et du développement collaborent plus étroitement et s'alignent sur les mesures de promotion de la paix pour atteindre des objectifs communs (collective outcomes - OCs). Une analyse du contexte et des acteurs est ainsi une priorité ;
  • capitalise sur les avantages comparatifs des différents acteurs, en fonction de leur pertinence dans un contexte spécifique, dans le respect des différents mandats et principes de chaque acteur. Le but est que les organisations présentes sur le terrain ajustent leurs programmes en fonction des synergies et des lacunes identifiées lors de l’analyse conjointe ;
  • vise à coordonner les interventions des différents acteurs (étatiques, internationaux et locaux) dans leurs compétences propres (humanitaires, de coopération au développement et/ou de promotion de la paix) afin d’assurer complémentarité et synergie des actions. Il ne s’agit donc pas que les acteurs du développement fassent de l’humanitaire ni le contraire. Il ne s’agit pas non plus d’une approche linéaire, en phases distinctives mais d’une approche systémique et en continu.
  • Les objectifs collectifs (OCS) sont des résultats concrets et mesurables que l'humanitaire, le développement et les acteurs de promotion de la paix veulent réaliser conjointement dans un pays pour réduire les besoins, les risques et les vulnérabilités des populations

Comment mettre en œuvre l’approche nexus

Il n’y a pas de méthode universelle dans l’application de l’approche nexus, toutefois les structures et principes opérationnels suivants sont applicables :

Structures

Le nexus est souvent coordonné par une structure opérationnelle dans les contextes fragiles sous l’égide du gouvernement concerné, en collaboration et support avec une coordinateurtrice (souvent issu d’une agence des Nations Unies). Cette structure organise le bureau opérationnel et définit, en concertation avec les autres acteurs, des objectifs collectifs (collective outcomes) ou des priorités. L’approche se veut la plus inclusive possible (société civile, gouvernement, INGO, etc.). La structure peut être décentralisée, par région.

Dans l’idéal, les objectifs collectifs sont définis ensemble par tous les acteurs, planifiés et mis en œuvre de manière complémentaire et leur impact est évalué conjointement. Dans les faits, la coordination reste souvent un défi de taille, de même que la participation des acteurs locaux.

La liste de telles structures (16 pays) et les avancées actuelles sont disponibles ICI

Photo: EU Civil Protection and Humanitarian Aids/flickr.com; CC BY-NC-ND 4.0 Deed 
Photo: EU Civil Protection and Humanitarian Aids/flickr.com; CC BY-NC-ND 4.0 Deed 


Exemples d’opérationnalisation dans certains pays

  • Burkina Faso : l’approche nexus a été initiée en 2017. Cinq objectifs collectifs ont été définis : sécurité alimentaire, nutrition, risques induits par le climat, paix et sécurité, pauvreté multidimensionnelle
  • Cameroun

Principes de base (minima) :

  • Une analyse de contexte et une cartographie des acteurs en présence (incluant les acteurs œuvrant dans l’humanitaire, le développement et la paix) tant pour l’analyse de leurs complémentarités et synergies que pour les informations et communications avec la structure nexus en place si elle existe. De ces analyses de contexte et d’acteurs, résulte une connaissance de leurs avantages comparatifs permettant au mieux une planification et programmation d’objectifs communs.
  • Une planification sensible aux conflits et l’observation du principe de Do No Harm et autres principes tels que Duty of care etc.
  • Une approche basée sur la localisation, (reconnaissant que les populations affectées sont celles qui connaissent le mieux leurs besoins, ont l’expérience du terrain et doivent être au centre).
  • Le respect des mandats et principes de chaque acteur (humanitaire, développement et paix) impliquant que ceux-ci aient une compréhension commune des priorités et/ou objectifs du pays et s’approprient l’approche nexus.
  • Une bonne analyse des risques et vulnérabilités.


Principes additionnels pour la réalisation d’objectifs collectifs :

  • Planification conjointe : les acteurs de l’humanitaire, de la coopération au développement et de la promotion de la paix élaborent un plan d’action conjoint ;
  • Mise en œuvre coordonnée : les acteurs de l’humanitaire, de la coopération au développement et de la promotion de la paix travaillent ensemble pour mettre en œuvre les activités dans le plan d’action en partageant les informations, ressources et compétences ;
  • Monitoring et évaluation: ils monitorent et évaluent conjointement les résultats de leurs activités en utilisant des indicateurs pertinents pour mesurer l’impact de leur interventions.

L’objectif est que les acteurs de l’humanitaire, du développement et de la promotion de la paix intègrent le nexus dans leurs propres projets/programmes. D’autres principes additionnels ont été définis. Vous trouverez des références en fin de document.


Conclusion

Si le concept du nexus est reconnu et généralement accepté, l’approche reste difficile à mettre en œuvre. Elle ne concerne pas que les ONG professionnelles qui mènent en parallèle des actions humanitaires et de coopération au développement : dans les contextes fragiles, l’approche nexus demande à tous les acteurs de prendre en compte non seulement leurs partenaires habituels mais de se renseigner et d’ouvrir leur analyse aux autres acteurs présents (humanitaire, promotion de la paix) et de réfléchir à comment travailler au mieux et de manière complémentaire.

Rappelez-vous que le nexus n’est pas seulement une façon de travailler mais également de penser, en mettant l’être humain au centre.

Bien qu’initié par les Nations Unies qui ont joué le rôle de rassembleur, le nexus ne doit pas être top down et centré sur le système des Nations Unies, mais bien plutôt être considéré comme un appel à agir différemment, de manière concertée, en partant des besoins des populations et en dehors des silos. En 2023, il existe un bureau opérationnel de coordination nexus dans 18 pays. Ces bureaux sont coordonnés la plupart du temps par une des agences onusiennes, mais l’approche nexus voudrait que les acteurs locaux soient au cœur des opérations et décisions. D’un point de vue opérationnel, le but est que les acteurs définissent ensemble des objectifs collectifs pour favoriser la complémentarité : l’idée n’est pas que chaque acteur réponde à tous les besoins, mais de profiter au mieux des compétences de chaque acteur.

Pour d’autres informations, une page est disponible sur le site internet[2] de la Fedevaco.

  1. [i] L’OCDE définit la fragilité comme « la conjonction d’une exposition à des risques et d’une capacité insuffisante de l’État, d’un système ou d’une communauté à gérer, absorber ou atténuer ces risques ». La fragilité est multidimensionnelle, économique, environnementale, politique, sécuritaire, sociétale. Voir références.

  2. Pour des informations ressources sur l’historique de l’approche nexus depuis Busan (2016) et les définitions plus précises, voir : https://www.fedevaco.ch/nexus


Références

Fédération Vaudoise Coopération - FEDEVACO
Fedevaco (Fédération Vaudoise Coopération) : Faîtière de 51 organisations actives dans la coopération au développement, la Fedevaco met depuis plus de 30 ans son expertise et son savoir-faire au service des collectivités publiques. Garante de l’utilisation optimale et transparente des fonds publics, la Fedevaco agit à l’interface des pouvoirs publics, de ses organisations membres et de leurs partenaires locaux. La Confédération, l’État de Vaud ainsi que 50 communes vaudoises ont noué un partenariat avec la Fedevaco.

Riche de la diversité de ses organisations membres, la Fedevaco est un pôle permanent de réflexion et de partage des savoirs. Rassemblant une cinquantaine de spécialistes et expertes bénévoles (assumant ensemble quelque 4000 heures de travail), elle déploie une vie associative dynamique en proposant des espaces de formation et d’échange où chacune se sent reconnue et respectée. Elle propose également divers services, dont des appuis personnalisés par un groupe d'expertes. Email