Von Broulaye Sangaré und Sylvia Mollet
Dans le quartier populaire Faladje Sokoro du District de Bamako, capitale du Mali, des enfants d'une moyenne d'âge de 13 ans ont répondu à la question: « Qu'est ce que tu feras pour les enfants du Mali dès que tu auras l'âge adulte? » A la question posée, les enfants ont exprimé leurs idées librement par écrit.
Ce sont 14 filles et garçons des familles monoparentales qui sont scolarisés la 5ème ou 6ème année. Dans la plupart des cas ces enfants vivent avec leur mère qui est célibataire, divorcée ou veuve. Ils sont tous issus des familles pauvres. Les enfants ont été questionnés dans le cadre du projet LAKANA SO à Bamako qui appuie les enfants des mères vivantes seules avec leurs enfants dans des conditions de vie difficiles. Ces enfants ne doivent leur scolarisation qu'à la participation de leurs mères aux activités de LAKANA SO.
Deux préoccupations majeures ont animés les enfants, à savoir le droit à la santé et le droit aux divertissements et au repos. Dans le domaine de la santé, la nécessité du suivi des vaccinations est mentionnée par neuf enfants. A remarquer à cet effet que les enfants suivent à côté de leurs parents les campagnes de sensibilisation dans les médias sur les sujets de vaccination et ils connaissent la portée de leur importance. Ils savent que des décès d'enfants en sont certainement liés au manque de suivi des périodes vaccinales et ils sont au courant que leurs parents n'en font pas une priorité, butés à la recherche quotidienne de la subsistance de la famille.
Les enfants sont conscients de l'importance de la santé pour leur survie. Six enfants mentionnent la promotion de la santé en générale, deux parlent de la construction de centres de santé spécialement conçus pour les enfants. Un d’eux souhaite même être pédiatre pour mieux servir la cause sanitaire des enfants. Il est vrai que les adultes pauvres, étant sensibilisés de s'adresser à un médecin en cas de maladie, hésitent quand il s'agit de faire le même geste quand leur enfant est malade. Souvent ils préfèrent attendre si la maladie perdure. Les symptômes de maladie chez les tous petits sont souvent interprétés comme des problèmes de dentition et le suivi médical intervient trop tard dans certains cas.
Un autre point non moins important a été soutenu par quelques enfants, c'est d'avoir accès à une alimentation suffisante et de qualité. Enfin vinrent pour trois le droit à un habillement décent et un enfant mentionne même le droit d'être lavé proprement. Ce passage montre l'état de pauvreté de leur mère. Ce sont des enfants, torses nues, au milieu souvent de leurs camarades d'âge bien habillés et bien lavés qui vivent quotidiennement cette réalité.
La deuxième préoccupation de la majorité des enfants interviewés est le droit au divertissement et au repos. Ces deux ont été mentionnés avec la même fréquence par presque tous les enfants. Concernant le manque de repos, ces enfants ne se reposent presque pas dès l'âge de 3 ans; ils sont considérés comme pouvant venir en aide à la mère dans tous les domaines concernant la gestion de la famille (ménage, piler le mil, recherche de l'eau potable, vente de fruits etc.) et cela souvent au prix de non-inscription à l'école ou d'apprentissage d'un métier. En ce qui concerne le droit aux divertissements, en plus du besoin exprimé d'avoir plus de temps pour soi-même les enfants souhaitent la construction des centres de jeux, des maisons de théâtre des enfants et des terrains de football. Ces enfants par rapport à beaucoup d'autres avec qui ils vivent dans le voisinage sont dépourvus depuis leur enfance de jouets. Ils vivent dépendants d'autres enfants dans la satisfaction de leur instinct de jeu.
Un autre facteur préoccupant tous ces enfants est le droit à l'éducation et à la scolarisation. Au Mali seulement 42% des enfants vont à l'école dont 75% de garçons environ. La plupart arrête ses études après une scolarité de 6 ans. Cela est du a des contraintes économiques de la famille. Ce qui empêche les mères d'envoyer leurs enfants à l'école (qui est payante) est qu'elles veulent souvent retenir l'enfant à la maison pour d'autres travaux.
Un enfant répondait à la question "je ferai le transport des enfants pour aller à l'école", cela dans le contexte que beaucoup d'enfants notamment des quartiers périphériques et pauvres ne peuvent pas aller à l'école parce que l'école publique est trop éloignée de leur maison pour aller à pied. Et le coût du transport publique est trop élevé pour la mère. Ce sont les écoles privées qui s'étendent plus en plus mais elles sont trop chers pour ces familles.
Un enfant souhaitait construire un centre de protection pour les enfants. Car ils ne sont pas protégés, la mère seule ne peut pas assurer cela. Les enfants restent souvent sans surveillance. Ils traînent dans la rue, les garçons sont souvent initiés au vol, les filles à la prostitution. L'absence du père est évoquée implicitement. Lors de querelles entre les enfants du quartier c'est le chef de famille qui peut résoudre le problème. La mère n'est pas assez considérée pour défendre son enfant devant les autres. Souvent l'école est le seul endroit où ces enfants peuvent connaître et apprendre à défendre leurs droits.
*Broulaye Sangaré, Coordinateur LAKANA SO, et Sylvia Mollet, IAMANEH Suisse. LAKANA SO est une expression issue de la langue Bambara et signifie ‘’maison du développement de la conscience’’. Plus d’un million de personnes vivent à Bamako. Beaucoup d’entre elles ont quitté leur village pour tenter de gagner leur vie en ville. Les possibilités pour les femmes sont limitées. Un poste de domestique est souvent synonyme d’exploitation. Beaucoup de femmes sont divorcées, veuves ou célibataires. Leurs enfants manquent de beaucoup de choses, car le revenu ne suffit pas à acheter des habits et des médicaments ou à payer les frais d’écolage. Le projet LAKANA SO s’engage en faveur de ces enfants et soutient les mères dans les efforts qu’elles entreprennent pour offrir une meilleure perspective d’avenir à leurs enfants. Projet soutenu par IAMANEH Suisse.