Von Morgane Rousseau, Aude Martenot, Alicia Pary, Stephanie Mena, Claire Bertin , Nicole Rähle und Andréa Rajman
Il y a quarante ans, les États membres de l’OMS adoptaient la déclaration d’Alma Ata et au cœur de cet engagement : rendre des soins de santé primaires accessibles à tout·e·s en mobilisant les ressources au niveau des communautés. Mais malgré les progrès réalisés dans divers secteurs depuis le début du millénaire, il reste encore beaucoup de progrès à réaliser pour remplir les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations Unies, notamment en matière de santé et du principe « Ne laisser personne pour compte » (Leaving no one behind – NLOB).
La santé communautaire dans le cadre de projets de coopération au développement inclus une vision participative de la santé, notamment dans les milieux ruraux. Concrètement, il s’agit d’une approche inclusive auprès de toutes les parties prenantes, en faisant collaborer et en prenant en compte les besoins des membres d’une communauté quant à la définition et à la mise en place des activités sanitaires. En effet, les besoins en santé sont différents en fonction de chaque population – leur implication permet donc de mettre en place une approche commune, adaptée à chaque communauté. Par exemple, cela peut se traduire par l’implication d’agents communautaires locaux, de cheffes de villages ou encore par le transfert de compétences auprès de tout le personnel d’un centre de santé.
L’action communautaire tient une place centrale dans les efforts visant à « ne laisser personne pour compte » en matière d’accès à la santé. Elle adopte les concepts de responsabilité, de transparence, de légitimité, de participation publique, de justice et d’efficacité – des principes conformes à l’approche fondée sur les droits humains.
Une vingtaine de personnes ont participé à la table ronde MMS qui s’est tenue en présentiel le 5 octobre 2021 à Lausanne. Il s’agit principalement de chargées de projets de la coopération internationale travaillant, entre autres, sur la thématique de la santé communautaire, mais également d’expertes en matière de santé et/ou de coopération internationale issus d’organisations telles que la direction la DDC et de la Fedevaco.
Quatre organisations membres de MMS ont présenté leurs projets ce qui a permis de poser le cadre de la thématique :
Médecins du Monde (MdM), dans sa stratégie 2021-2024, articule ses interventions autour de trois thématiques visant toutes à défendre le droit à la santé. Il s’agit de la santé et des droits sexuels et reproductifs, de la prévention et prise en charge des violences ainsi que des soins palliatifs pédiatriques. La stratégie définie par MdM veut que chaque thématique soit abordée au niveau du spectre des aptitudes individuelles et communautaires, de l’accès et de la qualité des soins ainsi que de la pérennité des services. Quatre principes d’actions sont poursuivis : la priorité des besoins manifestés et exprimés, la mise en place de partenariats pour l’atteinte de résultats, la présence de bureaux de coordination sur le terrain pour permettre le transfert d’expertise et la réalisation d’actions de témoignage et de plaidoyer. Le premier principe d’intervention était au cœur de la discussion de la table ronde.
Le diagnostic communautaire participatif, au-delà d’une méthodologie, une philosophie d’intervention !
Un diagnostic communautaire participatif (DCP), c’est certes un point de départ méthodologique pour le lancement d’un projet sur des bases solides. Mais le diagnostic communautaire participatif, c’est également une manière d’intervenir qui va teinter l’ensemble de la mise en œuvre d’un projet, jusqu’à son évaluation finale. Cette méthodologie vise à identifier, du point de vue communautaire, les problèmes de santé des personnes cibles. Elle vise à identifier, toujours du point de vue communautaire, les besoins des communautés en vue de la résolution desdits problèmes. S’ensuit alors un processus de hiérarchisation des solutions identifiées puis d’un inventaire des ressources nécessaires pour la mise en œuvre des solutions prioritaires. C’est alors que la planification des activités permettant la mise en œuvre de ces solutions est entamée. Mais le processus ne s’arrête pas là : l’ensemble des activités doit être construit avec les populations puis régulièrement révisé et questionné avec ces mêmes communautés. Sur l’ensemble de ces étapes, les outils classiques des sciences sociales sont exploités : observations, entretiens individuels, entretiens de groupes et conversations communautaires.
Construire à partir de l’expertise communautaire permet des changements de comportements durables
Deux exemples tirés de l’action de MdM permettent de constater la plus-value de l’approche. Au Bénin, au sein de populations fortement mobiles et précarisées en zone urbaine (Cotonou), un DCP a été mené sur la santé du petit enfant il y a quelques années. Le premier constat clair tiré de cette expérience est que les populations savent pertinemment ce qui est bon pour elle. Elles citent de manière assez exhaustive les causes des problèmes de santé de leurs enfants. L’expertise communautaire rejoint donc les conclusions qu’un expert en santé publique pourrait identifier. Construire des interventions sur la base de ce savoir local assure dès lors une réelle appropriation et permet une vision plus globale des problématiques rencontrées. Partant de la santé des enfants, le processus a amené MdM à soutenir la préscolarisation des enfants par exemple. Des résultats clairs sont observés après 5 années d’intervention : augmentation de la scolarisation des enfants, augmentation de la fréquentation du centre de santé public du quartier, diminution des absences scolaires pour raison de santé, pérennisation publique des centres de préscolarisations (devenus écoles maternelles publiques) et changements de comportements en faveur de la santé au sein des foyers.
Dans un contexte très différent, au Cameroun, MdM a réalisé le même type d’exercice au niveau des campements bororos en zone rurale de l’Ouest du pays sur la question de la santé maternelle et reproductive. Le constat est le même sur la connaissance communautaire. Cette expérience révèle cependant l’importance d’une approche très locale sur ce type de processus puisque les problèmes identifiés varient d’un campement à l’autre. La problématique du genre questionne également puisque les réponses fournies par les groupes d’hommes sont différentes des réponses fournies par les groupes de femmes. Il est donc primordial de construire des micros plans d’action adaptés à chaque groupe cible. Sensibilisation des hommes pour le financement des consultations prénatales, formation du personnel de l’hôpital de zone sur la prise en charge des populations bororos : des activités simples ont là aussi permis d’obtenir des résultats clairs. Après deux années d’intervention, on note déjà une augmentation du taux de consultation prénatale de ces populations ainsi qu’une diminution de la mortalité maternelle.
Ces deux exemples prouvent que l’utilisation du DCP permet d’assurer un ancrage fort dans les communautés et de donner une réponse adéquate aux besoins. Il est cependant primordial de respecter le rythme des communautés pour que l’approche porte pleinement ses fruits. Il est important aussi d’envisager l’accompagnement d’une personne externe, notamment lorsqu’il s’agit du premier exercice pour une équipe locale. Il faut finalement réussir à jongler avec les exigences des bailleurs de fonds pour s’assurer que la démarche soit soutenue et que leurs exigences ne nous poussent pas à réduire la participation communautaire.
Caractéristiques du système de santé guatémaltèque
Le Guatemala est un pays avec des inégalités très marquées et au niveau de l’Amérique latine, il est un des pays qui a le taux d’investissement pour les dépenses de santé le plus bas derrière le Venezuela et Haïti.
En effet, on peut mentionner :
On peut encore relever un taux de mortalité maternelle et infantile élevé, une dénutrition infantile chronique et un pourcentage élevé de grossesses chez les adolescentes. On constate également une persistance des maladies infectieuses transmissibles et l’apparition de nouvelles maladies non transmissibles, chroniques et dégénératives. De plus, il existe une probabilité élevée de mourir d’une cause liée à la violence chez les 10-24 ans
Le projet, son développement et ses points forts
La CSSR a soutenu au Guatemala des mouvements indigènes coopératifs dans les années 80 et 90, en donnant du matériel sanitaire tout d’abord, puis en soutenant la formation de promoteurstrices de santé. A la signature des accords de paix en 1996, la CSSR a reçu une demande de la part d’un groupe de sage-femmes traditionnelles auto-organisées du département de Quetzaltenango, souhaitant organiser des formations pour accoucheuses traditionnelles dans le but d’améliorer les indicateurs de santé materno-infantiles dans la région.
Ce projet de formation de sage-femmes part de deux constatations majeures : un taux de mortalité maternel élevé dans la région de Quetzaltenango et l’importance de la sage-femme traditionnelle qui est au cœur de la communauté. En effet, elle a un rôle social important car elle est un point d’entrée dans les communautés et travaille également avec des personnes doublement “laissées pour compte”, en tant que femmes et en tant qu’indigènes.
Trois axes de travail principaux caractérisent ce projet : la formation de sage-femmes, la prise en charge des femmes enceintes dans un centre de soins et le plaidoyer. La formation sert à la fois à l’actualisation des connaissances, du savoir-faire des anciennes sage-femmes et à l’acquisition de nouvelles connaissances. Une formation sur des questions socio-politiques est également proposée et des connaissances indispensables pour être en mesure d’effectuer le travail de plaidoyer.
Nouveaux développements du projet
Le projet a ensuite connu plusieurs développements, tels que 1) la proposition d’un programme de diplôme en deux ans, 2) un axe « santé mentale » au centre de soins familiaux pour les couples, 3) un élargissement du champ de compétences de la sage-femme, et 4) un nouveau diplôme universitaire qui permettra d’élever encore le niveau de connaissances des sage-femmes traditionnelles. Sur demande des femmes bénéficiaires, une partie “prévention” a également été ajoutée au projet avec la formation des femmes enceintes sur des thèmes périnataux. Cela permet de consacrer plus de temps à la prévention, notamment les signaux de danger auxquels il faut se montrer attentive durant la grossesse et crée aussi un espace de parole et d’échanges plus formels entre les participantes.
En ce qui concerne les points forts de ce projet, on peut souligner qu’il est basé sur une demande des communautés elles-mêmes et mené par des agentes de santé appartenant à ces dernières tels que :
Le projet repart actuellement pour
trois années, durant lesquelles une étude va être mise sur pied pour
faire le suivi de la première promotion de sage-femmes à avoir obtenu un
diplôme universitaire.
Madagascar est un pays à faible revenus et dont l’accès aux soins de santé reste encore précaire. C’est pourquoi un des objectifs de Pharmaciens Sans Frontières Suisse est de renforcer dans ce pays l’accessibilité aux soins et aux médicaments de qualité des patients démunis des centres de santé situés dans la région de Mahajanga la ville portuaire.
Plusieurs actions avec une approche communautaire permettent de renforcer un des objectifs d’améliorer l’accès aux soins de santé. L’intégration de la pharmacie dans le centre de santé dans lequel nous intervenons, est une approche qui nous permet de pouvoir agir en termes de prévention et promotion de la santé, pour les patientes visitant le centre. En effet, des services telles que la prise de glycémie et la tension artérielle sont réalisées à la pharmacie par les pharmaciennes volontaires ou par les équipes locales formées.
Une autre approche est celle amenée par les agents communautaires, qui sont directement intégrés dans le système de santé. En effet, à Madagascar, les agents communautaires sont très présents au niveau communautaire, en raison du plan stratégique défini par le ministère de la santé publique malgache. Voir le lien ici.
Cette approche permet de renforcer la prévention tant au niveau des professionnels de santé qu’au niveau des patientes. Il peut ainsi s’agir d’action de distribution et de mise en place de campagnes d’affichage tels que des algorithmes de prise en charge de la fièvre dans les centres de santé ou des mesures de protection contre le virus Ebola.
Les campagnes de vaccination, la distribution de lait en poudre ou de riz pour la population sont des approches communautaires qui nous permettent d’avoir plus facilement accès à la population vivant en zone rurale. Ces actions hebdomadaires nous permettent notamment d’avoir plus facilement accès aux patients plus démunis, car ils se déplacent expressément pour bénéficier de ses prestations.
De plus, une des actions réalisées pendant la pandémie de Covid-19 a été d’améliorer la collaboration entre les différents acteurs privé-public, notamment en fabriquant conjointement avec les hôpitaux publics de la solution hydroalcoolique ou encore de dispenser des formations en matière d’hygiène des mains et distribuer du savon.
Contexte
Si l'on remonte dans le temps, Haïti a toujours souffert de catastrophes naturelles et certaines remontent au 16ème siècle. Tremblement de terre, ouragans, inondations, la déforestation et l'exploitation des terres ont aggravé la situation et les délais entre les catastrophes se sont raccourcis. En plus des catastrophes naturelles, le pays souffre d'instabilité et de troubles politiques et Haïti fait partie des pays les plus pauvres du monde. L'aide humanitaire a constamment afflué dans le pays, et surtout après le tremblement de terre de 2010, les biens ont été distribués sans une réelle consultation avec la population. Cette distribution incontrôlée a provoqué des bagarres et des tensions entre les membres des communauté.
Engagement de la Croix-Rouge suisse (CRS) en Haïti après le tremblement de terre de 2010
La Croix-Rouge suisse s'est engagée en Haïti après le tremblement de terre de 2010. D'abord avec une réponse d'urgence où elle avait contribué avec du personnel médical à l'hôpital. Ensuite, en raison de l'ampleur des besoins, la CRS a cherché à s'engager dans un projet à long terme avec son partenaire haïtien : la Croix-Rouge haïtienne et elles ont décidé d'étendre leurs projets aux activités de santé. La première idée a été de mettre en œuvre un projet de santé dans la même communauté que les projets GRD (gestion des risques de catastrophes) et WASH afin de maximiser l'impact et de bénéficier de synergies.
Alors que l'équipe WASH venait du secteur de l'urgence et était habituée à distribuer des biens, elle a eu du mal à inclure et impliquer les membres de la communauté dans son travail et a dû faire face à des questions ou remarques telles que : « Pourquoi devrions-nous travailler ?» ou « nous attendons simplement la prochaine catastrophe et les biens circuleront à nouveau ».
Alors que pour l'équipe GRD c’était quelque chose de plus naturel. En effet, le projet a été conçu comme un projet de GRD avec des composantes communautaires importantes, c’est-à-dire qu’aucun bien ne serait fourni mais doterait les membres de la communauté de connaissances et d'aptitudes pour, par exemple, un meilleur jardinage tout en travaillant fortement sur la valorisation des aliments produits localement et le changement de comportement. Grâce à des résultats rapides dans la production des jardins, les communautés ont été enthousiasmées et se sont impliquées dans ce projet.
Evaluation sur les besoins des communautés
Pendant une période de six mois, la CRS a mené une étude approfondie sur les attitudes, les pratiques et les connaissances, ainsi que sur les besoins des communautés. L'étude a été menée dans toutes les communes (« sections communales ») en collaboration avec les membres des communautés, des leaders communautaires, des autorités sanitaires et d'autres acteurs de la région afin d'en apprendre le plus possible sur les défis et les opportunités de la région. L’usage de l’outil à analyses « les arbres à problèmes » a également été utilisée. Ce dernier a permis d’élaborer des solutions et de mieux appréhender les besoins communautaires. Cette évaluation a fait ressortir quatre éléments principaux des besoins essentiels auxquels il fallait répondre : la nutrition, la santé sexuelle et reproductive, la santé environnementale et l'hygiène, ainsi que le renforcement du système de santé.
Suite à cette évaluation, l'équipe a longuement discuté de ce que la CRS et son partenaire, la CR haïtienne, seraient en mesure de réaliser. Où se situent les forces et les faiblesses et quel projet ils pourraient proposer. Il a donc été décidé de s'engager dans trois domaines principaux :
Lessons learnt
Il a fallu six mois pour élaborer ce projet et les négociations avec les membres de la communauté et les autorités n'ont pas toujours été faciles car l’attente de biens était élevée auprès de certaines communautés. Il était également important qu’au sein de la Croix-Rouge suisse, les membres du personnel comprennent la différence entre le domaine de l'urgence (aide humanitaire) et de celui du développement. Le personnel qui venait du service d'urgence a eu des difficultés avec ce changement, en effet, dans le cadre du développement, l'objectif n'est pas de fournir des biens purs mais d'équiper les membres de la communauté de connaissances et de pratiques pour une meilleure santé par exemple.
Cette approche groupée (« bundled approach »), a donné de bons résultats. En effet, lier les activités de GRD en améliorant les jardins familiaux à la nutrition et en renforçant le système de santé informel (principalement les matrones) pour obtenir de meilleurs résultats en matière de santé et nutrition s'est avéré être une bonne approche.
S'engager avec les membres de la communauté et les autorités dès le début, être transparent sur ce qui sera proposé et accepter que les choses ne se passent pas comme prévu initialement (changement de section communale), a porté ses fruits. Les communautés se sont fortement engagées. Et celles qui n'ont pas été incluses dans le projet initial ont demandé plus tard si elles pouvaient également être incluses.
Plusieurs autres facteurs ont également contribué à la bonne marche du projet, notamment la bonne connaissance des zones d’intervention, la confiance et le support continu de la population vis-à-vis la Croix-Rouge suisse et les leçons tirées des projets antérieurs et en cours. Ainsi que d’inclure les réalités socioculturelles, les priorités identifiées avec les communautés et s’aligner aux axes stratégiques du Ministère de la Santé Publique et de la Population.
Pour terminer, le suivi continu des interventions et de leur qualité est mené par l’équipe de terrain basée à Léogâne ainsi que par le siège de la Croix-Rouge suisse. Des audits annuels assurent le respect des procédures financières et comptables.
Les présentations des différents projets et expériences de la première partie de l’après-midi ont permis de lancer une discussion fournie et d’échanger des réflexions sur les nouveaux défis en santé communautaire, sur comment mieux répondre aux besoins des communautés et s’assurer que l’on touche bien les plus démunies.
Une approche importante en santé communautaire : le diagnostic communautaire participatif
Dans son travail, MdM a déjà identifié un certain nombre d’enjeux relatifs à la mise en œuvre de ce type d’approche. Comment s’assurer d’avoir identifié les « bons » interlocuteurstrices ? Le risque de travailler avec une même petite « élite communautaire » habituée aux échanges avec les ONGs existe. Le risque qu’un mauvais équilibre de genre vienne influencer les discussions est également élevé et une attention particulière doit être portée à certains détails logistiques tels que l’horaire des rencontres. La question des « perdiems » est également une problématique transversale à l’ensemble des activités communautaires. Il est important de penser à des incitatifs indirects pouvant bénéficier à la communauté sans entrer dans une dynamique de distribution récurrente de « perdiems ».
Quel est le risque de dénaturer un tel projet lors du passage à l’échelle ? MdM estime que l’approche du DCP doit rester une approche de micro-intervention. La mise à l’échelle est donc nécessairement chère et chronophage mais il en va de la qualité de l’approche. Au lieu d’une mise à l’échelle, MdM envisage parfois l’extension de l’approche auprès d’une même communauté mais sur une autre thématique.
Quelle est la possibilité d’exploiter cette approche dans un contexte d’urgence ? MdM estime que le diagnostic communautaire participatif peut être une approche intéressante dans le cadre du NEXUS par exemple. Il est évident que si une urgence humanitaire surgit dans un contexte où ce type de démarche est en cours, la capacité de réaction et la pertinence des interventions seront renforcées. La crise de la Covid-19 l’a prouvé : il a été facile et rapide de mobiliser les communautés déjà engagées pour organiser des actions à fort ancrage local.
NEXUS : la délicate interaction entre l’aide humanitaire et la coopération au développement sur le terrain
Lors de la présentation de la Croix Rouge suisse et de son action en Haïti, il a été mis en évidence que les équipes « urgences » et les équipes « développement » n'ont pas les mêmes méthodes d’intervention, ni les mêmes budgets. Toutefois, il a été relevé qu’en collaborant étroitement, cela peut amener un regard nouveau et de nouvelles perspectives. En effet, lors de réponses à l'urgence, il est important de prendre en considération l’aide au développement pour impliquer la population à long terme et qu’elle s’approprie le projet « ownership ».
Les participantes s’accordent à dire que à l’avenir, les acteurstrices de l’aide humanitaire et de l'aide au développement devraient plus interagir et s’aligner car leurs actions, bien que différentes, sont complémentaires. Dans le travail humanitaire comme dans l’aide au développement, les communautés et leurs besoins doivent être au centre de l'action. La responsabilité ainsi que l’engagement des communautés doivent être inclus « Community engagement and accountability ».
De la nécessité d’une meilleure intégration/participation des hommes dans les projets destinés aux femmes
La santé de la mère et de l'enfant (grossesse, suivi des enfants) a été abordée dans les échanges et l'influence/importance à cet égard de l'homme, partenaire ou mari, a été soulignée. Elle peut être favorable dans un cas optimal, mais souvent, dans des sociétés patriarcales/machistes, elle est problématique voire carrément défavorable. D'abord, il peut y avoir de la part des hommes de la violence ; ils peuvent avoir un pouvoir élevé sur les faits et gestes de la femme enceinte/mère qui ne dispose pas d'autonomie. L'homme (ou la belle-mère) peut décider que femme et enfants ne doivent pas aller consulter au centre de santé, etc... Ceci souligne que la problématique genre reste une dimension majeure dont il faut se préoccuper, dans les pays du Sud comme au Nord d'ailleurs et dont il faut prendre en compte dans les projets.
C’est pourquoi les participantes ont souligné de façon unanime qu’il serait nécessaire de développer des programmes avec et pour les hommes et de sensibiliser ces derniers sur ces problématiques comme par exemple les violences faites aux femmes. De plus, on constate que lorsque l’on forme un groupe de femmes en incluant les hommes, ces derniers se montrent très intéressés à participer.
Et pour en savoir plus :
voir l’article d’Enfants du Monde sur « La stratégie Pugsid Songo (« Époux Modèle ») » au Burkina Faso en page 54, ainsi que ceux de la DDC (coopération suisse) qui est engagée sur la thématique genre dans tous ses projet (lien Réseau genre). À titre d’exemple, la thématique genre est un thème prioritaire à Cuba (Lien Stratégie de coopération 2017-2021). Une plateforme de dialogue exclusivement masculine a été mise en place : Red Iberoamericana y Africana de Masculinidades RIAM ; Juventudrebelde cosas de hombres y de mujeres.
L’évaluation d’un projet : une étape importante dans sa planification
Les participantes ont évoqués les difficultés rencontrées dans le suivi et l’encadrement de projets et plus particulièrement sur son évaluation. En effet, cela nécessite en général beaucoup de temps et un financement important, avec le risque d’être disproportionné par rapport au coût du projet lui-même. C’est un problème récurrent pour les associations qui relèvent que les attentes des bailleurs de fonds deviennent de plus en plus lourdes avec la difficulté de trouver les bons indicateurs et les bonnes mesures d’impacts. En effet, sur le terrain, les chose sont souvent ardues, y compris s'agissant de trouver les bons paramètres.
Une piste possible serait d’intégrer dans l’évaluation une recherche rigoureuse, une évaluation externe, interne, participative, etc… en s’associant avec des institutions internationales et/ou de recherche pour recevoir de l’aide pour la partie analytique. Mais tout cela réclame du temps, du financement, des efforts et les demandes administratives de suivi de projet augmenteraient.
L’approche de santé communautaire est aussi un challenge présent en Suisse
L’approche de « santé communautaire » est aussi un challenge présent en Suisse (pays riche), et entre autres dans le canton de Vaud, qui le met en avant par son rapport de santé publique 2018-2022 sur la santé RPSP_2018-2022.pdf (vd.ch) et qui met en avant l’accès à des soins universels et adaptés, pour les populations vulnérables ou en situation de santé particulière. Deux autres champs d’action de ce rapport se focalisent sur la santé des enfants et des jeunes, ainsi que sur un système de soins se centrant sur la communauté.
Très récemment le canton de Vaud a intensifié le soutien aux jeunes pour leur santé mentale, suite à la crise du covid-19 : Intensifier le soutien aux jeunes en temps de pandémie - VD.CH (communiqué de presse). – allant de la prévention à la prise en charge médicale. C’est un élément important, car on voit que la prévention et la promotion de la santé sont importantes dans ces approches communautaires.
Cette table ronde a permis de discuter et réfléchir aux différents défis en santé communautaire, entre autres, sur l’importance du diagnostic communautaire participatif ; de bien cerner les besoins réels des futures bénéficiaires et d’être attentifs à ce que les bénéficiaires soient touchés dans leur ensemble (LNOB !). La thématique genre dans les projets est essentielle « is key » et plus particulièrement l’inclusion des hommes dans les projets destinés aux femmes.
Mais quelles que soient les difficultés rencontrées les associations présentes à cette table ronde sont motivées à continuer leurs actions « nous continuons ! »
Et pour en savoir plus :
Le guide pratique de la Fedevaco (Fédération vaudoise de coopération)« La santé pour tous en zone rurale. Développer et renforcer les centres de santé » met à l’honneur les bonnes pratiques pour développer un centre de santé communautaire dans les pays du Sud. Un regard de spécialiste de la santé publique précise les enjeux de la réalisation pérenne de tels projets et une douzaine de fiches de capitalisation illustrent leur mise en œuvre par des associations sur le terrain.
“La Santé pour tous ! Se réapproprier Alma Ata”, élaboré par le CETIM et des membres du People’s Health Movement (PHM), démontre que ce concept n’est pas une utopie. Au contraire, la santé pour tous est un projet politique qui se base sur les concepts de justice économique et sociale et le respect de tous les droits humains.
Médecins du Monde Suisse est une organisation humanitaire médicale indépendante. Sa mission consiste à fournir un accès durable à la santé aux personnes et groupes en situation de vulnérabilité, en Suisse et dans le reste du monde. L’amélioration du bien-être physique, mental et social fait partie intégrante de la mission de l’organisation et demeure un objectif commun aux domaines d’action principaux de son programme : santé et droits sexuels et reproductifs (SDSR) – violences – soins palliatifs pédiatriques (SPP). La stratégie d’intervention de MdM Suisse s’inscrit dans le cadre des ODD des Nations Unies 3, 5 et 16. Dans le cadre de ses programmes, MdM donne une priorité aux contextes fragiles et aux populations les plus vulnérables, les femmes et les enfants.
La Centrale Sanitaire Suisse Romande est une association modeste et atypique qui soutient depuis 1937 celles et ceux qui luttent pour une société plus juste. Elle apporte une aide sanitaire à des organisations de base dans plusieurs pays du Sud qui s’engagent pour un meilleur accès aux prestations médicales.
Pharmaciens sans Frontières Suisse est une association de droit Suisse, qui a son siège à Genève, créée en 1992, qui œuvre pour l’accès à la santé pour toutes et pour tous, partout sans discrimination d’aucune sorte. Avec des projets dans plusieurs pays, sa mission vise à améliorer l’accès aux médicaments de qualité des populations les plus vulnérables, pratiquer l’échanges de connaissances et promouvoir l’usage rationnel du médicament dans l’intérêt de la santé publique.
La Croix-Rouge suisse est une œuvre d'entraide qui se distingue par les principes de son action, sa longue expérience, la portée de ses interventions et son ancrage dans un mouvement international. La Croix-Rouge suisse agit à l’échelle planétaire : dans une trentaine de pays, elle encourage la mise sur pied de services de santé et lutte contre les épidémies. Elle fournit en outre une aide d’urgence aux régions frappées par la guerre ou une catastrophe naturelle et contribue à la reconstruction. Dans les zones à risque, elle soutient les communautés dans leurs efforts de prévention. Elle intervient également loin des projecteurs, là où les conflits, les maladies liées à la pauvreté ou encore le changement climatique bouleversent durablement le quotidien des habitants.