Von Amalia Gatopoulou, Olivier Praz , Elodie Sierro , Davide Ziveri, Iveth J. González, Louis Mauler und Andréa Rajman
Une vingtaine de personnes ont participé à la table ronde organisée par Medicus Mundi Suisse, en collaboration avec Handicap International, qui s’est tenue en présentiel le 27 septembre 2022 à Lausanne et dont la thématique a porté sur « L’impact du changement climatique sur le travail de la coopération internationale en matière de santé : défis et actions ». Les participant.e.s sont principalement des chargé.e.s de projets, des bailleurs de fonds, mais également des expert.e.s en matière de santé et/ou de la coopération internationale, issu.e.s d’organisations tels que la DDC, la Fedevaco, l’IFRC et des organisations membres de MMS.
Le monde est actuellement confronté à des crises sans précédent, notamment à celle de l’urgence climatique. En effet, l'aggravation de la crise climatique fait que des pays sont frappés simultanément par plusieurs catastrophes : une catastrophe climatique dévastatrice (inondations, sécheresse) et une catastrophe humanitaire (famine massive, crise migratoire). La pénurie d’eau et un contexte de conflits armés représentent une double peine pour des dizaines de millions de personnes aujourd’hui. En outre, l’OMS estime que le changement climatique causera environ 250 000 décès par an entre 2030 et 2050, dus aux maladies transmissibles et non transmissibles liées au climat. Le coût du changement climatique sur les frais de santé atteindra jusqu’à 2 à 4 milliards de dollars/an d’ici 2030.
L’OMS nous rappelle la nécessité de bénéficier d’un environnement sain et d’un système de santé durable et résilient face aux risques accrus de catastrophe, tout particulièrement dans les pays du Sud plus exposés aux conséquences immédiates de cette crise climatique.
Cependant, passer à l’action de façon innovante et efficace nécessite, au même temps, un changement des pratiques de la coopération internationale et soulève des questions telles que :
I. En 2022, bref état des lieux : Situation actuelle sur le changement climatique et la coopération internationale en matière de santé, IFRC-FICR, par Amalia Gatopoulou
Le changement climatique reste l'un des risques les plus imminents pour la santé et le bien-être des populations à travers le monde, faisant peser de lourdes conséquences sur la santé physique et mentale. Le nombre de catastrophes liées au climat et aux conditions météorologiques a commencé à monter depuis les années 1960 et a augmenté de près de 35 % depuis les années 1990, selon le Rapport sur les catastrophes dans le monde (2020).
Le changement climatique affecte négativement la santé humaine, directement par l'exposition aux risques et indirectement par les systèmes naturels et socio-économiques. Quelques exemples caractéristiques sont :
Les systèmes de santé sont actuellement confrontés à des défis croissants car les vulnérabilités et les populations à risque évoluent et s'étendent constamment dans toutes les régions du monde. Il convient de noter que le changement climatique frappe le plus durement les plus pauvres et les plus vulnérables, creusant les inégalités existantes et créant de nouvelles vulnérabilités à travers ses impacts sur la santé et au niveau du WASH (Water-Sanitation-Hygiene), sur la nutrition, sur la qualité de l'air, sur les moyens de subsistance, sur la productivité du travail et les revenus, sur les déplacements des populations, entre autres.
En outre, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée, connaissant un accès inégal aux ressources et à la prise de décision, en particulier dans les zones confrontées à des niveaux élevés de pauvreté, alors que les déplacements forcés peuvent placer les femmes et les jeunes filles dans des situations de vulnérabilité accrue face à la violence sexuelle et au manque d'accès aux services de santé sexuelle et reproductive.
Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IBPES), les tendances actuelles en matière de perte de biodiversité et de dégradation des écosystèmes compromettent les progrès vers 80 % (35 sur 44) des objectifs de développement durable liés à la pauvreté, la faim, la santé, l'eau, les villes, le climat, les océans et la terre.
La FICR et les Sociétés Nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, avec leur vaste réseau de personnel et de volontaires, travaillant avec et au sein des communautés, sont très bien placés pour atteindre les personnes les plus difficiles à atteindre, veiller à ce que chaque personne soit prise en compte et reçoive le traitement nécessaire.
Quelques-unes des caractéristiques déterminantes du travail du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le monde sont :
L’engagement de la IFRC dans la lutte contre le changement climatique
Le réseau de la FICR s'est engagé à répondre à l'urgence et à l'ampleur de la crise climatique, ce qui est fortement reflété dans le Cadre de la Fédération Internationale relatif à la santé et aux soins 2030 et la FIRC Stratégie 2030. La réduction des impacts du changement climatique sur la santé est l'un des principaux piliers des ambitions climatiques du Mouvement.
La traduction de l'engagement en action doit comprendre une orientation locale claire. La FIRC et les Sociétés Nationales de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge vont intégrer l’aspect climatique dans toutes les opérations, programmes et plaidoyers en matière de santé, WASH et de soins. Quelques actions concrètes comprennent entre autres :
Pour plus d’informations voir :
La « Charte Climat et Environnement pour les Organisations Humanitaires » du CICR et IFRC (Climate Charter - Sign the Charter - climate-charter.org).
IFRC_L’impact du changement climatique.pdf
2. « SDC Health Guidance 2022-2024 : le changement climatique comme un déterminant de la santé. », DDC, par Olivier Praz
La DDC soutient des projets en santé dans plus de 20 pays prioritaires. Au niveau global, elle est engagée dans des partenariats stratégiques portant notamment sur les domaines de la santé sexuelle et reproductive, de la lutte contre les maladies transmissibles (VIH, B, malaria), les maladies tropicales négligées ainsi que les maladies non transmissibles (diabète, maladies cardio-vasculaires), la recherche et le développement ainsi que l’accès facilité aux nouvelles technologies médicales.
La DDC propose deux orientations principales en santé :
Le second focus (déterminants de santé) couvre notamment des projets visant à limiter les effets du changement climatique. Notons aussi que la DDC applique une approche “Une seule santé - One Health” et promeut ainsi des interventions intersectorielles et couvrant plusieurs thématiques.
Au niveau programmatique, la DDC applique une méthode d’analyse des impacts de projets en termes de changement climatique :“The Climate, Environment and Disaster Risk Reduction Integration Guidance (CEDRIG) is a practical and user-friendly tool developed by the Swiss Agency for Development and Cooperation (SDC)” mentionné par Olivier Praz : https://www.cedrig.org/
Pour plus d’informations voir :
DDC_MMS santé et climat_10_2022.pdf
3. Intégrer l’approche de la Santé planétaire dans une ONG : partage d’expérience, Handicap International (HI), par Davide Ziveri
Face aux nouveaux défis et aux besoins exacerbés des populations vulnérables qui subissent l'impact de la crise climatique et de la dégradation de l'environnement sur la santé et le bien-être, l'action humanitaire peut être ancrée dans le cadre de la santé planétaire.
La santé planétaire et l’approche “une seule santé” sont deux nouvelles approches en santé globale qui explorent les liens entre environnement et santé humaine et animale. Elles sont considérées à ce stade comme des récits convergents et unificateurs pour guider la compréhension et les actions sur le lien entre environnement et santé. En nous référant aux documents des CDC américains et de l'OMS, nous avons résumé pendant notre présentation les nombreuses voies par lesquelles l'environnement de l'Anthropocène, une nouvelle époque géologique marquée par l’impact des activités humaines sur l’environnement et cela sur le long terme, peut entraîner des effets négatifs sur la santé.
Dans le cadre de l'initiative "Humanité et inclusion" de Handicap International, nous avons montré l’importance de mettre en œuvre des projets intégrés, afin d’atténuer l’impact des opérations humanitaires et favoriser l’adaptation et la préparation au changement climatique. Par exemple, la prévention du diabète devrait commencer par la santé inclusive pour améliorer l'accès aux services sans laisser personne de côté, mais elle peut aussi s'attaquer aux causes profondes de la chaîne alimentaire, ou au manque de zones urbaines vertes, et même à la nécessité de réduire l’empreinte carbone des établissements de santé. Seule une action synergique sur les déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé pourrait aboutir aux co-bénéfices pour l'environnement et la santé qui sont au cœur de l'approche de la santé planétaire. HI est en train d’explorer les conséquences d’une telle approche pour les programmes de santé dans de contexte de crise humanitaire et d’étudier la faisabilité d’interventions intégrées où plusieurs secteurs et experts travaillent ensemble. Cela est particulièrement important si on considère l’impact des conséquences du changement climatique sur les personnes handicapées.
En termes de leçons apprises, nous avons bien compris l’urgence de répondre à des besoins de plus en plus forts, mais aussi à accepter la complexité de ce problème et, par conséquent, l'incertitude et parfois la frustration. Pour y répondre, nous développons des vraies collaborations transdisciplinaires, en cherchant à briser les silos traditionnels entre les secteurs de l’humanitaire. Cela demande une nouvelle vision de la santé et des activités de prévention qui, entre autres, doit assurer l’inclusion de la diversité des voix (diverses expériences), diverses épistémologies (diverses manières de comprendre le monde), et diverses visions du monde (divers systèmes de valeurs et de relations). Travailler les problématiques liées au changement climatique et à la santé de manière conjointe passe aussi par une nouvelle vision et une approche à discuter ensemble.
Outre les fonds et les collaborations transdisciplinaires, il faut aussi adopter une pensée systémique, travaillant avec des projets intégrés, et un récit innovant afin de regarder les problèmes de façon différente et trouver des solutions.
Pour plus d’informations voir :
HI_MMS PH fr final_2022.pptx
4. Crises climatiques et l’approche Nexus humanitaire-développement
Par Iveth Gonzalez et Louis Mauler, Fondation terre des hommes Lausanne
La protection du climat fait partie des engagements stratégiques de terre des hommes (Tdh), notamment explicité dans le Plan Stratégique 21-24 et la Charte Climat et Environnement pour les Organisations humanitaires.
Trois axes d’action principaux ont été élaborés :
1. La réduction de l’empreinte carbone à travers la mise en œuvre de la feuille de route environnementale :
2. L’intégration des problématiques environnement/climat dans l’approche programmatique (voir partie suivante sur programme santé)
3. Le développement d’actions de plaidoyer (notamment en lien avec le travail du Comité des droits de l’enfant à focus sur la participation des enfants dans les débats sur cette thématique et sur le respect de leurs droits, notamment à un environnement propre, sain et durable).
Le programme santé et changement climatique : approche nexus-développement.
Pour plus d’informations voir :
Tdh_Climate Change_Nexus_Tdh_SEP2022.pdf
Les quatre présentations mentionnées ci-dessus, ont permis de nourrir la partie échange, discussions et réflexions et certains points essentiels pour la santé pour toutes et tous ont été relevés, tels que :
Les adaptions institutionnelles
Les participant.e.s s’accordent à dire qu’il est nécessaire de réfléchir à la manière de réduire l’empreinte carbone au sein de son organisation et mettre en place des objectifs pour sa réduction.
En effet, il a été rappelé que la santé est le 5e secteur le plus polluant au monde, donc il faut regarder où l’on pollue et où l’on peut réduire. Le transport de marchandises et le déplacement du personnel sur le terrain sont des éléments auxquels il faut réfléchir.
Sur les questions de calcul d’empreinte carbone et d’impact, il est important que les organisations entrent dans ce processus d’évaluation de leur empreinte environnementale. Il faut imaginer des solutions pour créer des synergies et réduire l’impact.
Le réseau Climate Action Accelerator dont, par exemple, la fondation terre des hommes Lausanne, terre des hommes schweiz (Bâle et Genève) et Médecins sans Frontières font partie, propose une solution en visant une réduction et pas une compensation des émissions. "Il vise, par exemple, à mobiliser une masse critique d’organisations intermédiaires afin d’amplifier la mise en œuvre de solutions pour le climat, contenir le réchauffement de la planète sous 2°C et éviter le risque d’une dangereuse dérive." Voir https://climateactionaccelerator.org/
Sortir du travail en silo : nécessité de collaboration et d’inclusion
La collaboration entre les différentes organisations ainsi que le développement d’une expertise transdisciplinaire entre la santé et la problématique du climat sont essentielles. En effet, il est nécessaire d’avoir une collaboration entre les projets. La situation alarmante de malnutrition dans le monde en est un bon exemple. La sécheresse a un impact sur les cultures et sur l’accessibilité à la nourriture.
Ce qui est nécessaire au sein des organisations, c’est un changement de vision, qui inclut également d’inclure toutes les vulnérabilités (personnes en situation de handicap, enfants, femmes, etc) tant dans les actions, que dans les débats et dans la récolte des données.
Il faut également penser en termes de syndémie (l’interactions entre les maladies et les facteurs sociaux, environnementaux et/ou économique des déterminants de la santé).
Être conscient de l’utilisation de notre terminologie
Actuellement des mots tels que « One Health », « Planetary Health”, changement climatique, dérèglement climatique sont souvent utilisés comme synonymes. Les participant.e.s constatent que nous sommes en train de développer un vocabulaire de spécialistes, et les personnes en dehors du cercle d’experts ne les comprennent pas toujours.
Les problèmes dû au changement climatique s’additionnent à d’autres problèmes
Les participant.e.s ont relevé que l’impact du changement climatique s’ajoute à des problèmes déjà existants et qu’il ne faut pas les minimiser.
La transformation digitale
La question du digital est une piste très intéressante pour les participant.e.s. Ils pensent qu’il serait intéressant de voir sur place comment les acteurs.trices du terrain voient leur demande pour une transformation digitale et ce que cela représente, également en termes d’émissions.
Des experts sur place
Il est intéressant d’avoir des experts sur place, et pas d’envoyer systématiquement du personnel de Suisse sur place.
La justice climatique
Les participant.e.s rappellent l’impact différencié du changement climatique qui frappe le plus durement les plus pauvres et les plus vulnérables, creusant les inégalités existantes et créant de nouvelles vulnérabilités à travers ses impacts sur, par exemple, la santé et le WASH (Water-Sanitation-Hygiene), sur la nutrition, sur la qualité de l'air, sur les moyens de subsistance, sur la productivité du travail et les revenus et sur les déplacements des populations. En effet, ce sont les pays qui ont le moins contribué au changement climatique qui souffrent des plus grands impacts.
Pour résumer, cette table ronde a permis de discuter, d’échanger par rapport aux bonnes pratiques et de partager des expériences pluridisciplinaires.
Elle a également permis de réfléchir, entre autres, sur l’importance du rôle des organisations et leurs actions concrètes ; ainsi que le rôle du système avec l’importance du plaidoyer, des “Coalitions building” (nouvelles coalitions, s’engager avec des activistes du climat) et de lutter pour un système de santé plus équitable.
Elle a mis en avant, qu’il faut créer un « penser ensemble » (« Think together ») en n’oubliant pas que la thématique de la décolonisation, de la langue et de l’inclusion, par exemple, sont à intégrer de façon transversale.
En outre, le défi particulier lié au climat, c’est qu’il n’y a pas de solution « clé en main ». Il reste un long chemin à faire et les changements de comportement doivent être tant au niveau individuel que collectif. Il y a un travail de rééquilibrage à faire : il faut sans cesse rester à l’écoute des partenaires des pays du Sud, encourager les actions locales sur le terrain en engageant tous les partenaires du terrain.
Pour terminer, le rôle de plaidoyer des organisations actives dans la coopération internationale en matière de santé et d’un Réseau tel que celui de MMS est important, car il permet de convaincre les politiques, les parlementaires, pour permettre un changement politique.
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) est le plus grand réseau humanitaire du monde. Nous soutenons l'action locale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans plus de 192 pays, rassemblant près de 15 millions de volontaires pour le bien de l'humanité.
La Direction du développement et de la coopération (DDC) est l’organe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en charge de la coopération internationale. Lui incombent la coordination de la coopération au développement et de la coopération avec l'Europe de l’Est avec d’autres offices de la Confédération, ainsi que l’Aide humanitaire de la Suisse.
Handicap International est une organisation non gouvernementale, active dans l’action humanitaire et soutenant les populations vulnérables et les personnes handicapées dans plus de 60 pays à travers le monde. Elle emploie une quinzaine de personnes en Suisse et environ 4700 à l’échelle globale.
La Fondation Terre des hommes à Lausanne (Tdh) est une organisation suisse indépendante, neutre et impartiale fondée en 1960, dédiée à la mise en œuvre de changements importants et durables dans la vie des enfants et des jeunes, en particulier les plus exposé·e·s aux risques. Nous veillons à leur bien-être et à l’application effective de leurs droits, définis dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans d’autres instruments de défense des droits humains. Pour faire la différence, nous concentrons nos efforts dans les domaines de la santé maternelle et infantile, des enfants et jeunes en situation de migration et de l’accès à la justice. Nous encourageons une participation active des enfants et des jeunes en vue de favoriser leur émancipation. Nous plaidons pour le respect de leurs droits et les soutenons dans l’expression de leurs besoins et de leurs intérêts. Nous travaillons dans des contextes fragiles et des zones de conflit, ainsi que dans des environnements plus stables.
En coopération avec Handicap International Suisse