Von Emmanuel Gbaguidi, Kaspar Wyss
Depuis 2005 la coopération financière allemande (KfW) appuie une initiative régionale, le “Projet Prévention de lutte contre le VIH/SIDA en Afrique Cen
L’avancée de la pandémie du VIH-SIDA dans les pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et l’urgente nécessité d’harmoniser la réponse face au mal du siècle à l’échelle régionale, ont conduit à l’établissement d’un partenariat entre la CEMAC et le Gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne pour la mise en œuvre du Projet de Prévention du VIH-SIDA en Afrique Centrale (PPSAC). L’Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC) et la KfW (Banque Allemande de Développement) sont mandatées pour sa concrétisation. Pour la réalisation des activités, l’OCEAC est appuyée par un Consultant Régional, l’Institut Tropical Suisse (ITS) qui anime un bureau de Coordination régionale du Projet basé à son siège à Yaoundé au Cameroun.
PPSAC est fondé sur le développement d’une approche régionale avec pour but principal d’assurer une meilleure disponibilité des préservatifs et un changement positif des comportements des groupes cibles concernés en vue de contribuer à la réduction de la propagation du VIH-SIDA et des méfaits de la stigmatisation et de la discrimination envers les PVVIH.
Au niveau opérationnel de chaque pays concerné, l’exécution incombe aux Associations de Marketing Social (AMS) d’envergure nationale de ces pays membres. Ces AMS établissent à l’échelle pays un large partenariat avec d’autres ONG et Associations de compétence avérée en vue d’une action synergique pour une large couverture des cibles et du territoire national.
L’harmonisation de la réponse tant à l’échelle pays qu’à l’échelle régionale se fait grâce à deux organes. L’un technique dénommé la Réunion de Concertation Inter-Pays (RCIP) de périodicité 2 fois par an regroupe les acteurs de premiers plans des pays concernés, et l’autre d’orientation stratégique, le Groupe Consultatif Régional de Suivi de PPSAC (GCRS) qui se réunit une fois par an et qui regroupe en plus de ces acteurs de premiers plans, la plupart des organisations bi et multilatérales et autres partenaires de développement en lutte contre le SIDA des pays concernés.
Le bien fondé de l’approche régionale repose sur le large partenariat, la concertation avec les autres partenaires techniques et financiers, mais aussi sur l’intégration de tous les acteurs. Le Projet, à travers ses organes au niveau régional et national joue le rôle de facilitateur, d’interface entre les différents acteurs stratégiques et opérationnels. Ce faisant, il contribue à l’instauration et à l’animation d’un cadre de coresponsabilité et de cogestion des problèmes liés à la protection des populations contre les IST/VIH/SIDA à travers des prestations de qualité et accessibles aussi bien financièrement que géographiquement.
Ces prestations s’inscrivent dans une approche globale intégrant toutes les particularités socioculturelles telles que, l’ignorance, la multiplicité des partenaires sexuels, le statut défavorable de la femme, la faible utilisation des préservatifs, la précocité des rapports sexuels, le poids des us et coutumes.
Comme mentionné plus haut, le programme vise une meilleure disponibilité des préservatifs et un changement positif de comportement du groupe cible sont réalisés en Afrique Centrale. Depuis 2006, la mise en œuvre des activités a permis le développement de plusieurs approches régionales, le partage des acquis, toutes choses qui ont contribué à asseoir dans les pays couverts un standard minimum commun pour la riposte contre les IST-VIH-SIDA.
La commande groupée des préservatifs masculins à l’échelle régionale a permis d’obtenir une économie de 22% sur le coût de revient des commandes. La vitesse de progression de la vente est de 1,38 sur la situation d’avant avec une réalisation de 87% des objectifs de vente attendue pour le condom masculin. La disponibilité permanente de préservatifs masculins de qualité et à coût accessible est une réalité avec 1,21 Points de vente disponibles pour 1000 h réalisés en fin 2008 contre un niveau d’avant phase régionale de 0,83 Points de vente pour 1000 h. Ce dispositif a permis d’atteindre un niveau moyen de 1,37 préservatifs consommés par tête d’habitant avec pic de 2,05 préservatifs masculins consommés par tête d’habitant constaté en République Centrafricaine.
Malgré le poids des us et coutumes et aussi la réticence de certaines cibles féminines la promotion de l’utilisation du préservatif féminin est rendue systématique au niveau des trois pays et a atteint un niveau de vente en 2008 de 335 mille préservatifs féminins contre une attente de 220 mille unités.
En plus des marques existantes de préservatifs que promeut le Projet, il est envisagé le développement et la promotion d’une marque régionale de préservatif qui avec la participation de tous les acteurs y compris ceux du monde religieux contribuera à réduire les barrières socioculturelles, les ventes transfrontalières etc. L’approche régionale de l’accès universel aux préservatifs (ARAUP) offre l’opportunité à ces différents acteurs d’harmoniser leurs points de vue sur les différents goulots d’étranglement qui font obstacle à l’acceptabilité, à la promotion et à l’utilisation des préservatifs et aussi d’autres méthodes alternatives.
Le développement d’activités synergiques transfrontalières a permis de toucher les populations migrantes, les déplacés, les travailleuses de sexe, les filles libres y compris les populations riveraines des deux côtés des frontières. Dans un contexte marqué par le boum économique et dès fois par des troubles sociopolitiques engendrant des déplacements de populations sur fonds de désintégration sociale, de forte promiscuité sexuelle, de violences de toute nature y compris les viols, le commerce du sexe, ces activités en stratégie avancée complètent les actions menées par les structures traditionnelles. L’accent y est mis sur les campagnes de masse pour un changement de comportement, le dépistage volontaire et gratuit du VIH et des Infections sexuellement transmissibles (IST), la prise en charge de ces IST et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination envers les PPVIH. En partenariat avec les Associations des Personnes vivants avec le VIH les cas dépistés positifs pour le VIH sont aussitôt pris en compte. Un impact sensible est noté quant au taux de retrait des résultats de dépistage du VIH qui avoisine les 90% contre un taux de retrait de 10% environ relevé lors des stratégies en poste fixe.
Le Forum Régional des Jeunes en lutte contre le SIDA (FREJES) offre l’opportunité aux jeunes et adolescents d’apporter leur réponse spécifique à la lutte à travers la systématisation du développement par les jeunes et pour les jeunes entre autres de la pair éducation en milieu scolaire et extrascolaire, l’édition de magazine 100%Jeune, l’animation de site web, etc. L’année 2008 a connu la vente d’environs 400 000 magazines 100%Jeunes édités par les jeunes et pour les jeunes.
Le développement en approche régionale des enquêtes CAP (Comportement Attitude Pratique) conduite sur la base d’une harmonisation des procédures méthodologiques, des outils de collectes des données avec l’implication de tous les acteurs concernés pose les fondements d’une meilleure synergie régionale dans les efforts de lutte contre les IST-VIH-SIDA. Cette enquête CAP réalisée en 2007 a confirmé certaines performances réalisées, notamment avec 85% des jeunes de 15 à 24 ans qui trouvent que le condom est toujours disponible quand ils en ont besoin, en moyenne 1 jeune sur 2 en 2007 contre 1 jeune sur 4 en 2005 ont adopté un comportement sexuel à moindres risques, on compte encore moins de 30% des jeunes qui ont adopté une attitude positive envers les PVVIH.
La promotion d’une approche régionale intégrée aux réponses nationales pour la prévention du VIH/SIDA au Cameroun, Tchad et en République Afrique Centrale est un choix stratégique bénéfique pour les pays et offre des opportunités. Les avantages se situent au niveau des économies d’échelle dans l’achat des condoms, dans le partenariat et collaboration approfondie entre les ONGs, les programmes nationaux de lutte contre le VIH/SIDA, les bailleurs et institutions régionales. Ceci résulte dans une meilleure efficacité et efficience de la lutte contre la maladie. Les acquis sont encore fragiles et méritent d’être approfondis et développés. Le dynamisme et la performance des AMS ont permis une amélioration substantielle de la disponibilité et jusqu´à un certain égard l´accessibilité au préservatif.
* Emmanuel Gbaguidi est médecin et spécialiste santé publique. Il a conduit pour de nombreuses organisations telles que l'OMS, la Banque Mondiale, la Banque Islamique de Développement, la Coopération Française et la Coopération Technique Allemande (GTZ) des missions d'évaluation de leurs projets de développement, et des missions de conception et de suivi des programmes de IST-VIH-SIDA. Depuis 2005, il s’est attelé pour le compte de l’Institut Tropical Suisse, à la conception et à la mise en place d’une approche régionale de la réponse face aux IST-VIH-SIDA à travers le marketing social en Afrique Centrale. Contact: eac_gbaguidi@yahoo.fr