Von Marius Olou
Depuis la déclaration d’Alma Ata en 1978, les agents de santé communautaires (ASC) ont pris une place prépondérante au sein des systèmes de santé de plusieurs pays en développement. Au Bénin, Médecins du Monde Suisse, en lien avec la politique de santé communautaire du pays, contribue au renforcement du système sanitaire grâce au recrutement et à l’utilisation des ASC dans la mise en œuvre des activités de promotion de la santé. Ainsi, à travers leurs actions, ces derniers, contribuent à un meilleur accès des communautés aux soins de santé et à la réduction des inégalités sociales.
Au Bénin, selon l’annuaire statistique 2020, seulement 53,8% de la population a un accès aux services de santé. Médecins du Monde Suisse agit dans le pays depuis 2009 pour accompagner les efforts du gouvernement pour améliorer les conditions de santé des populations vulnérables. Ainsi, en lien avec la politique de santé communautaire du pays et dans le cadre de la mise en œuvre de son projet « Amélioration des conditions de vie et de santé des enfants de moins de cinq ans vivants au sein des quartiers pauvres situés autour du marché Dantokpa », l’organisation a appuyé, de 2015 à 2021, la zone sanitaire de Cotonou I et IV dans le renforcement de l’accès aux soins des populations à travers le travail de deux agents de santé communautaire recrutés et rémunérés par l’organisation.
Cet appui a permis aux communautés vivant dans ces quartiers de bénéficier des services de santé dont elles ont besoin sans se heurter à des difficultés financières, grâce aux campagnes de sensibilisation/ prévention, d’offres de services gratuites de dépistage et de prise en charge (paludisme, malnutrition, etc.) menées par ces agents, ainsi qu’aux différentes visites à domicile organisées avec les relais communautaires.
Toutefois, malgré leur grande importance et bien que reconnus par le système de santé, ces agents de santé communautaire continuent de chercher leur place sur le terrain au sein des équipes des zones sanitaires.
Reconnus comme partie intégrante du système de santé et jouant un rôle d’interface entre la communauté et les centres de santé, les agents de santé communautaires, grâce à leurs activités d’offre de services de prise en charge (soins curatifs et préventifs, références) menées en communauté, constituent une ressource indispensable pour la mise en place de la couverture de santé universelle dans les pays en voie de développement. Toutefois, malgré leur grande importance et bien que reconnus par le système de santé, ces agents de santé communautaire continuent de chercher leur place sur le terrain au sein des équipes des zones sanitaires.
En effet, au Bénin jusqu’en 2019, ces ASC étaient considérés comme n’étant pas hautement qualifiés et donc leur travail n’était pas assez valorisé par leur supérieur. C’est d’ailleurs, pour pallier à cette difficulté que la nouvelle politique de santé communautaire du pays a renommé le poste en Agent de Santé Communautaire Qualifié (ASCQ) et défini un profil type pour assurer les fonctions des ASCQ : homme ou femme âgé(e)s de 20 ans et plus, titulaire du Brevet d'Etudes du Premier Cycle (BEPC) ou d’un diplôme équivalent, et ayant reçu une formation diplômante en soins infirmiers et obstétricaux de base dans une école accréditée. Aussi, s’agit-il pour la plupart du temps d’un emploi précaire car, dépendant généralement d'organisations non gouvernementales et d'agences de développement pour leur financement. Ainsi, leurs services deviennent insoutenables si le financement venait à s'arrêter. A titre d’exemple, les deux agents recrutés par Médecins du Monde pour le projet évoqué précédemment n’ont pas pu être pérennisés, ni avec la zone sanitaire, ni avec la mairie, faute de moyens.
Au Bénin, le recrutement et la rémunération des agents de santé communautaire qualifiés, est depuis 2020 confié aux collectivités locales, qui, jusque-là, n’ont pas pu mobiliser les ressources financières nécessaires pour répondre aux besoins du système de santéAussi, s’agit-il pour la plupart du temps d’un emploi précaire car, dépendant généralement d'organisations non gouvernementales et d'agences de développement pour leur financement.
Un autre grand défi par rapport à l’utilisation des ASC est lié à leurs cahiers de charge ; le risque est de les voir se substituer sur le terrain par certains professionnels de santé pour exécuter des actes qui ne relèvent pas de leurs compétences. En raison de la reconnaissance et de la grande confiance dont ils bénéficient auprès des communautés, il n’est pas rare de voir certains ASC s’ériger en Médecin au sein de leur communauté puisque généralement le nom par lequel les populations les appellent est « DOTO » qui signifie « Docteur » en fon (la langue locale la plus parlée au Bénin). Cette situation pose le problème de leur supervision. En effet, dans la pratique, ces agents ne bénéficient pas de supervision suffisante dans l’exercice de leurs tâches. Médecins du Monde, dans le cadre de son projet, a renforcé cette supervision par un suivi du Coordinateur Médical local afin de garantir le respect de leurs cahiers de charges et prévenir les possibles dérives.
Les six années d’appui à la politique de santé communautaire au Bénin à travers la mise en œuvre du projet « Amélioration des conditions de vie et de santé des enfants de moins de cinq ans vivants au sein des quartiers pauvres situés autour du marché Dantokpa » ont confirmé la place indispensable des ASC dans les systèmes de santé des pays en développement si l’on veut parvenir à un accès équitable aux soins pour les populations vulnérables. Aussi, ont-ils permis de comprendre la nécessité pour les organisations non gouvernementales d’accompagner les gouvernements à assurer la participation communautaire dans la prestation de soins de santé grâce, entre autres, à un appui aux collectivités locales.
Un des moyens efficaces et durables d’assurer l’intégration des ASC dans le système de santé est d’arriver à mettre en œuvre une politique de décentralisation qui permette aux collectivités locales d’avoir les ressources nécessaires pour recruter et assurer la gestion des ASC en étroite collaboration avec les centres de santé des communes.
Un des moyens efficaces et durables d’assurer l’intégration des ASC dans le système de santé est d’arriver à mettre en œuvre une politique de décentralisation qui permette aux collectivités locales d’avoir les ressources nécessaires pour recruter et assurer la gestion des ASC en étroite collaboration avec les centres de santé des communes. Cette stratégie a pour avantage de garantir l’implication des autorités des collectivités locales dans les questions de santé de leurs communautés et d’assurer la participation communautaire car elle prévoit la mise en place d’un comité locale du système de santé qui réunit les élus locaux, leaders d’opinion et chefs religieux, les organisations féminines et masculines, les responsables des centres de santé communautaires pour le suivi de toute intervention.