Von Andréa Rajman
Il y a quarante ans, les Etats membres de l’OMS adoptaient la déclaration d’Alma Ata. Au cœur de cet engagement : rendre accessibles des soins de santé primaires à tous, en mobilisant les ressources au niveau des communautés. Cette déclaration de 1978 a apporté un changement de paradigme dans la réflexion sur les soins de santé primaire. Qu’en est-il aujourd’hui ? MMS a voulu, en organisant cette table ronde, approfondir plus particulièrement cette question et celles qui lui sont liées.
Une vingtaine de personnes de divers milieux (chercheurs, médecins, infirmières, sages-femmes, coordinateurs de programmes) ont participé à cette table ronde dont Viviane Luisier, Présidente de la Centrale Sanitaire Suisse Romande (CSSR), Monika Christofori-Kadka, Health advisor à la Croix-Rouge Suisse, Bernard Borel, médecin pédiatre et René-Frédéric Plain, CCM manager, Fonds mondial en tant qu’intervenants.
Les questions suivantes ont été développées et analysées: Comment l’engagement communautaire est-il abordé aujourd’hui? Quelles sont les initiatives et les expériences qui ont permis d’impliquer davantage les communautés dans la gouvernance de leur santé ? Y a-t-il des systèmes de santé qui ont intégré de telles initiatives ? Quels sont les mécanismes de coordination entre les différents acteurs concernés par les soins de santé primaires (c’est-à-dire organismes-politiques-communautés)? Quels sont les enseignements qu’il faut retirer de ces initiatives ? Alma-Ata est-elle encore d’actualité ?
Les questions et les discussions-échanges qui ont suivi les présentations ont permis de mettre en évidence l’importance pour les organisations d’obtenir une meilleure collaboration entre elles, en étant plus concrètes et plus opérationnelles dans leurs actions pour les soins de santé primaires, et en mobilisant les communautés ainsi qu’en agissant sur les gouvernements avec plus de détermination.
Les participants relèvent que le système de santé actuel investi particulièrement dans les soins de santé secondaires et tertiaires, représentant une médecine de haute technologie spécialisée et segmentée. Or, on assiste à une augmentation des inégalités sociales de santé dans de nombreux pays, l’accès aux soins se détériorant pour une partie croissante de la population. C’est pourquoi, les participants indiquent qu’il est primordial de visibiliser aussi la nécessité des soins de santé primaires dans tous les systèmes de santé et qu’ils sont une des réponses aux inégalités sociales de santé.
Par ailleurs, les participants ont souligné l’importance de renforcer les compétences administratives des personnes impliquées dans la gestion des projets, car il arrive que certaines personnes soient analphabètes ou elles n’ont que très peu de connaissances dans ce domaine, et l’administratif est le « maillon » faible des actions. De plus il serait important d’impliquer davantage les femmes car elles sont souvent majoritaires en tant qu’usagères des soins.
La table ronde a permis une discussion nourrie au sujet des instances de coordination nationale (Country Coordinating Mechanism, CCM, Link : https://www.theglobalfund.org/fr/country-coordinating-mechanism/) qui présentent au Fonds mondial les demandes de financement au nom d’un pays et la question s’est posée de savoir si ce modèle permet aux communautés et aux ONGs de s’intégrer politiquement dans la gestion des systèmes de santé.
L’intérêt de ce modèle de coordination c’est le regroupement des représentants des pouvoirs publics, du secteur privé, des partenaires techniques et la société civile. Il s’agit d’un mécanisme de surveillance qui s’assure du suivi de la mise en oeuvre des programmes et des subventions, tout en intégrant les communautés, les ONGs, la société civile, ainsi que les gouvernements dont la participation et la redevabilité (« accountability ») sont indispensables dans les soins de santé.
La question du lien entre Alma-Ata et les CCM a été également abordée en précisant qu’actuellement les CCM utilisent des programmes horizontaux comme par exemple, dans le domaine de la santé materno-infantile. Les CCM s’appuient aussi sur les principes d’Alma-Ata, tels que l’appropriation des programmes par les communautés afin que ces dernières soient au centre des discussions.
Par ailleurs, les ONGs doivent renforcer leur activité dans leurs relations avec les bailleurs de fonds, en intégrant la santé communautaire et ses acteurs aux mécanismes globaux de financement de la santé.
Lors de ces discussions, et malgré l’importance du mécanisme de coordination du CCM, une réserve a été relevée au sujet de ce modèle par certains participants.
Il ressort de ces discussions que les participants sont unanimes sur la nécessité de maintenir les principes de la déclaration d’Alma-Ata. En effet, face au contexte actuel prônant le néolibéralisme, et devant la pression des bailleurs de fonds ainsi que les programmes verticaux des soins, les besoins des communautés en soins doivent rester au cœur des préoccupations.
Les participants ont également relevé le fait qu’il fallait à l’avenir mieux définir ces besoins, avec plus de transparence et de redevabilité sociale, (« accountability ») de la part des gouvernements en précisant le rôle limité des ONGs pour garantir l’accès de la santé pour tous.
La santé pour tous est plus que jamais nécessaire pour incorporer les soins de santé primaires dans leur mise en œuvre avec la collaboration et la solidarité de tous les acteurs. De plus les soins de santé primaire sont une contribution essentielle pour la couverture sanitaire universelle (CSU).